Des candidatures rejetées, mais des actes poursuivis
Les trois condamnés sont Saïda Neghza, femme d’affaires et présidente de la CGEA (Confédération générale des entreprises algériennes), Belkacem Sahli, ancien ministre et responsable du parti ANR, et Abdelhakim Hamadi, dirigeant d’un laboratoire vétérinaire. Leur candidature avait été écartée par la Cour constitutionnelle, mais leurs manœuvres pour obtenir des soutiens ont attiré l’attention de la justice.
Ils sont accusés de trafic d’influence, abus de fonction, escroquerie et achat de parrainages. Selon l’enquête du parquet, les trois prétendants auraient versé des sommes allant de 20 000 à 30 000 dinars (soit environ 140 à 200 euros) à des élus pour récolter les signatures obligatoires.
Un système structuré autour des parrainages
Pour se présenter, un candidat à la présidentielle doit obtenir 600 parrainages d’élus dans au moins 29 préfectures, ou 50 000 signatures d’électeurs réparties sur le territoire. Le trio aurait cherché à contourner cette obligation par le biais de versements illégaux et de promesses en nature.
Plus de 50 élus ont reconnu avoir reçu de l’argent pour signer des formulaires de parrainage. Certains intermédiaires auraient également été missionnés pour collecter les fonds et les redistribuer aux élus.
Une vague de condamnations bien plus large
Au total, plus de 70 personnes sont impliquées dans cette affaire. Parmi elles, les trois fils de Saïda Neghza ont également été condamnés : deux à six ans de prison ferme, et le troisième, actuellement à l’étranger, à huit ans de prison par contumace. Un mandat d’arrêt international a été émis à son encontre.
Des élus locaux et plusieurs membres de la CGEA figurent aussi parmi les condamnés, avec des peines allant de cinq à huit ans. Le tribunal a prononcé des amendes allant jusqu’à un million de dinars algériens, soit environ 6 700 euros.
Les réactions après le verdict
Les trois principaux accusés, bien que condamnés, restent pour le moment en liberté. Ils disposent de dix jours pour faire appel. Leurs avocats dénoncent un procès politique et affirment que leurs clients n’ont pas bénéficié d’un traitement équitable.
Sur les réseaux sociaux, un des fils de Neghza a relayé la réaction de son frère, lui aussi condamné :
Un jour, la vérité éclatera, et chacun portera le poids de ses actes.
Ces propos laissent entendre que la famille Neghza n’entend pas se taire et pourrait chercher à mobiliser l’opinion.
Un climat politique sous tension
L’Algérie connaît une période sensible sur le plan politique. Si le président sortant, Abdelmadjid Tebboune, a remporté l’élection de 2024 sans grande surprise, la participation a été faible et la défiance envers les institutions reste forte dans une partie de la population.
Cette affaire de corruption électorale ne fait que raviver le débat sur la transparence du processus démocratique. Certains y voient une tentative des autorités d’écarter des concurrents potentiels, d’autres y lisent la preuve d’une justice qui commence à s’attaquer aux pratiques opaques, même au sommet.
Il est rare en Algérie que des personnalités aussi haut placées soient condamnées aussi lourdement. Cette décision de justice pourrait marquer un tournant dans la manière dont sont traitées les affaires de corruption politique dans le pays.
Reste à voir si les appels des condamnés modifieront la donne ou si ces peines seront confirmées en seconde instance. En attendant, le message est clair : la tentative d’acheter des voix ne passe plus inaperçue.