Des comportements dangereux relayés sur les réseaux
Les scientifiques alertent sur les risques d’une telle exposition. Contrairement à une croyance populaire largement entretenue par les vidéos virales, un requin n’est pas un animal domestique. Il reste un prédateur sauvage, même s’il n’a pas vocation à attaquer l’humain spontanément. D’après une étude du biologiste Éric Clua, la majorité des morsures recensées ces dernières années sont en fait défensives. Cela signifie que l’animal réagit à un stress ou une intrusion perçue comme une menace.
En Polynésie française, 5 % des morsures recensées entre 2009 et 2023 ont été causées par des comportements humains trop intrusifs. Le contact physique forcé avec des requins à pointes noires ou des requins-citrons est souvent à l’origine d’une réaction de défense. Les victimes ne sont pas attaquées pour être dévorées, mais parce qu’elles se sont approchées trop près, ont touché l’animal ou l’ont surpris. Ces blessures peuvent être graves, même si elles ne sont pas mortelles dans la majorité des cas.
Une responsabilité directe des influenceurs
Les spécialistes pointent du doigt une responsabilité clé : celle des créateurs de contenu. Leur influence est immense sur les comportements touristiques, en particulier chez les jeunes. Montrer des images spectaculaires de nage avec des requins-tigres ou des requins-bouledogues sans aucune mesure de sécurité pousse à croire que ces animaux sont inoffensifs. Ce discours est non seulement trompeur, mais aussi dangereux.
Une fausse image de la nature
Les éthologues s’inquiètent de cette banalisation du contact. Selon eux, elle brouille la perception du public vis-à-vis de la faune sauvage. Tout comme on ne s’approcherait pas d’un lion pour lui gratter l’oreille, on ne devrait pas chercher à toucher un requin. L’analogie est parlante : beaucoup savent distinguer un pitbull d’un chihuahua, mais sont incapables de faire la différence entre un requin-à-pointes-blanches et un requin-bouledogue, pourtant bien plus agressif.
Des pratiques dangereuses pour les animaux aussi
Cette tendance met également en péril les animaux. Le stress répété peut affecter leur comportement naturel, perturber leur reproduction ou les pousser à quitter leur habitat. Dans certaines zones touristiques, les autorités envisagent même de réglementer plus strictement l’approche des requins pour préserver la biodiversité.
Les attaques se concentrent dans les zones touristiques
Les États-Unis et l’Australie concentrent encore la majorité des cas, mais des pays comme la Polynésie ou les Caraïbes enregistrent eux aussi une hausse notable des incidents. En France métropolitaine, les attaques restent rares, mais dans les territoires d’outre-mer comme La Réunion ou la Nouvelle-Calédonie, des accidents sont enregistrés chaque année. Le surf et la baignade en zones à risque figurent parmi les causes principales.
La majorité des scientifiques insistent sur ce point : les attaques de requins ne sont pas le fruit d’une agressivité accrue, mais bien de comportements humains inadaptés. En respectant certaines règles élémentaires, la cohabitation est possible. Éviter les zones connues pour leur fréquentation de squales, ne pas s’éloigner seul du rivage, ne pas tenter de nourrir ou de toucher l’animal… autant de principes que trop de baigneurs et d’amateurs de sensations fortes ignorent volontairement.
Si les réseaux sociaux ont le pouvoir de sensibiliser positivement à la vie marine, ils ont aussi celui de mal orienter. Le respect des animaux passe par la distance. Et aucun selfie ne vaut une morsure.