Des vacances transformées en descente de police
Tout a basculé jeudi dernier dans la région de Badung. Suite à un signalement de citoyens inquiets, la police balinaise a effectué une descente musclée dans une villa locative. Le butin saisi par les autorités ne laisse que peu de place au doute quant à la nature des activités sur place : des caméras professionnelles, des disques durs, des pilules pour troubles érectiles et, selon les rapports de police, des « montagnes de contraceptifs ».
Mais la pièce à conviction la plus accablante reste sans doute le véhicule utilisé par la star. Bonnie Blue, de son vrai nom Tia Billinger, avait fait peindre un petit utilitaire bleu avec l’inscription « Bonnie Blue’s BangBus ». Un outil de travail qu’elle utilisait pour solliciter des jeunes hommes, notamment des « schoolies » (jeunes diplômés australiens en voyage de fin d’études), afin de tourner des vidéos à caractère pornographique.
Au total, ce sont 17 hommes, principalement des touristes australiens âgés de 19 à 40 ans, qui ont été interpellés aux côtés de l’influenceuse. Si la majorité d’entre eux ont été relâchés après interrogatoire — certains tentant maladroitement de cacher leur visage avec des sacs McDonald’s devant les caméras — Bonnie Blue, elle, reste dans l’œil du cyclone. Bien que libérée de sa garde à vue samedi, son passeport a été confisqué et elle reste à la disposition des enquêteurs.
Loi n° 44 : l’Indonésie ne plaisante pas avec la morale
Pour comprendre la gravité de la situation, il faut saisir le contexte légal indonésien. Contrairement à l’Occident où la production de contenu pour adultes est souvent régulée mais légale, l’Indonésie applique la Loi n° 44 de 2008 sur la pornographie. Ce texte est extrêmement sévère et repose sur le principe de territorialité : peu importe votre nationalité, si vous êtes sur le sol indonésien, vous devez vous y plier.
Les risques encourus par Bonnie Blue sont vertigineux :
- Une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 15 ans.
- Une amende maximale de 6 milliards de roupies (environ 330 000 euros).
- Une possible inculpation supplémentaire pour violation des lois sur l’information et les transactions électroniques (ITE Law).
De plus, l’utilisation d’un visa touristique pour des activités commerciales (la production de vidéos payantes) constitue une violation directe des règles d’immigration, passible d’expulsion immédiate.
Prison ou expulsion : la théorie de la « main invisible »

C’est ici que l’affaire devient complexe. Bonnie Blue finira-t-elle vraiment derrière les barreaux ? Les experts juridiques locaux sont partagés, mais une tendance se dégage : l’expulsion administrative.
Philo Dellano, avocat spécialisé en immigration à Jakarta, a confié à la presse australienne que la détention n’est pas automatique, même si les faits sont graves. Il évoque une théorie intéressante :
« C’est une industrie où il y a toujours quelqu’un ou une organisation qui tire les ficelles pour faire du profit. S’il y a une « main invisible » qui demande son expulsion, elle pourrait être transférée aux services d’immigration et renvoyée chez elle, plutôt que poursuivie au pénal. »
Selon cette analyse, les autorités indonésiennes pourraient préférer éviter un procès médiatique long et scandaleux. La stratégie pourrait consister à laisser la pression médiatique retomber avant de procéder à une expulsion discrète en début d’année prochaine, assortie d’une interdiction de territoire à vie. C’est le sort qu’ont connu récemment d’autres étrangers, comme cette Américaine expulsée en septembre pour avoir organisé une « retraite d’intimité » à Seminyak.
Cependant, Krist Andi Ricardo Turnip, un autre praticien du droit à Bali, nuance cet optimisme. Selon lui, si les preuves sont jugées suffisamment solides (et avec le matériel saisi, elles le sont), la police pourrait décider de faire un exemple et de porter l’affaire devant un tribunal criminel.
Un avertissement ignoré
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la prévisibilité du désastre. Bonnie Blue n’en est pas à son coup d’essai en matière de provocation des autorités locales. Elle est déjà sous le coup d’une interdiction d’entrée en Australie et aux Îles Fidji pour des motifs similaires. En choisissant Bali, une destination où le travail du sexe est illégal et les normes culturelles conservatrices, elle a pris un risque immense en toute connaissance de cause.
Annie Knight, une collègue australienne de l’industrie OnlyFans, a résumé la situation sans détour : « C’est dur d’avoir de la peine pour elle. Elle est allée à Bali, un pays où c’est illégal, et malgré ça, elle a choisi d’enfreindre la loi. »
Pour l’heure, Bonnie Blue est bloquée sur l’île des Dieux, dans l’attente de son prochain interrogatoire avec l’immigration. Son van « BangBus » est à la fourrière, et son avenir se joue entre un billet d’avion retour et une cellule indonésienne.








