Le décès tragique de Simon Guermonprez, étudiant en médecine, lors d’une soirée d’intégration organisée en 2021, continue de faire écho alors que le procès lié à cette affaire s’ouvre aujourd’hui. Le jeune homme de 19 ans, étudiant en première année de médecine à la faculté de Lille, a perdu la vie après avoir été percuté par un camion sur l’autoroute A27, à la suite d’une soirée marquée par une forte consommation d’alcool et des pratiques de bizutage. Ce mercredi 4 septembre, quatre personnes sont appelées à comparaître devant le tribunal correctionnel pour répondre de cette tragédie.
Une soirée d’intégration qui vire au drame
Le 8 juillet 2021, Simon Guermonprez participait à une soirée d’intégration organisée par un groupe d’étudiants de la faculté de médecine, se faisant appeler les Borgia, en référence à la célèbre famille italienne connue pour ses intrigues et ses orgies. Ce type de soirée, censée marquer le passage en deuxième année, est devenu un rituel pour de nombreux étudiants en médecine. Mais derrière l’apparente convivialité, certaines pratiques dangereuses se cachent.
Lors de cette soirée, une grande quantité d’alcool avait été mise à disposition des participants, notamment sous forme de bassines contenant plus de 60 litres de boissons alcoolisées. Les nouveaux venus, ou « bizuths », comme Simon, étaient contraints de se soumettre à certaines humiliations, dont celle de se mettre à genoux pour être servis à l’aide de seringues remplies d’alcool. Une cible avait même été dessinée sur le front de Simon, indiquant qu’il acceptait de participer à ces jeux d’alcoolisation massive.
Ce qui devait être une fête d’intégration s’est transformé en une tragédie. Après la soirée, Simon a pris un taxi pour rentrer chez lui. Cependant, une fois arrivé à proximité de son domicile, il a décidé de marcher un peu, probablement pour attendre que ses parents aillent se coucher. C’est en traversant un pont au-dessus de l’autoroute A27 qu’il a accidentellement fait tomber son téléphone. En tentant de le récupérer, il s’est retrouvé sur les voies et a été mortellement percuté par une balayeuse.
Les accusations et le procès
Ce mercredi 4 septembre 2024 marque le début du procès tant attendu. Quatre personnes sont mises en cause dans cette affaire. Le premier accusé est le conducteur du camion qui a involontairement percuté Simon. Il est poursuivi pour homicide involontaire. Les deux autres accusés sont des étudiants en médecine, identifiés comme les leaders du groupe Borgia, qui sont soupçonnés d’avoir organisé cette soirée dangereuse. Ils sont jugés pour bizutage et incitation à l’alcoolisation excessive. Enfin, une étudiante qui avait prêté son appartement pour la soirée est jugée pour complicité de bizutage.
Les parents de Simon, effondrés par la perte de leur fils, espèrent que la justice pourra établir la vérité et attribuer les responsabilités. Dans cette affaire, ils ont également exprimé leur volonté de voir l’Université de Lille être impliquée, en raison de son manque de contrôle sur ces soirées d’intégration, pourtant connues pour leurs excès.
Au cœur de cette affaire, le bizutage, une pratique interdite par la loi mais qui semble perdurer dans certaines universités sous couvert de traditions. Le groupe Borgia a nié toute accusation de bizutage, affirmant que les étudiants étaient libres de boire ou non. Pourtant, selon les enquêteurs, les témoignages recueillis auprès des étudiants apparaissent coordonnés, et une culture du silence, voire une omerta, semble entourer ces événements.
L’enquête a également révélé que certains étudiants minimisaient les faits, tandis que les responsables universitaires refusaient d’assumer leur part de responsabilité. Pour le moment, aucune poursuite n’a été engagée contre l’Université de Lille, mais les parents de Simon, accompagnés de leur avocat, envisagent d’étudier cette possibilité. Selon eux, l’université aurait dû faire preuve de davantage de vigilance pour empêcher de tels drames.
Le rapport accablant de l’IGESR
Un rapport publié par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a d’ailleurs mis en lumière les manquements graves de l’Université de Lille concernant la gestion des soirées d’intégration. Selon ce document, l’Université et son Unité de formation et de recherche (UFR) n’auraient pas pris les mesures nécessaires pour mettre un terme à des pratiques inadmissibles, contribuant ainsi à leur perpétuation.
Le rapport souligne également que les responsables universitaires auraient entravé l’enquête en ne fournissant pas toutes les informations nécessaires et en faisant preuve d’une certaine passivité face aux événements. Cette attitude a suscité l’indignation des parents de Simon, qui estiment que cette « passivité institutionnelle » a joué un rôle dans la survenue du drame.
Vers un procès reporté ?
Si le procès s’ouvre aujourd’hui, il pourrait néanmoins être reporté. La famille de Simon Guermonprez, après avoir pris connaissance du rapport accablant de l’IGESR, souhaite obtenir plus de temps pour l’étudier en profondeur. Ce document de 69 pages, rédigé en 2022, met en lumière les graves manquements de l’Université de Lille et pourrait mener à des poursuites supplémentaires contre l’institution.
L’avocat de la famille, Damien Legrand, a déclaré qu’il était nécessaire de prendre le temps d’examiner ce rapport avant de poursuivre le procès. Selon lui, ce document pourrait révéler des informations cruciales qui impliqueraient directement l’Université de Lille et ses dirigeants dans ce drame.
Pour la famille de Simon, ce procès représente bien plus qu’une simple recherche de justice pour leur fils. Ils espèrent également qu’il servira de leçon pour mettre fin une bonne fois pour toutes aux pratiques de bizutage dans les universités françaises. Les soirées d’intégration, qui devraient être des moments de convivialité et de rencontre, ne doivent plus être marquées par des excès d’alcool et des pratiques dangereuses.