Le ministre de la Justice Didier Migaud a annoncé ce vendredi la mise en place d’un parquet national spécialement dédié à la lutte contre les trafics de drogue en France. Cette initiative fait partie d’un vaste plan de renforcement des moyens de lutte contre la criminalité organisée, dévoilé à Marseille en compagnie du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. L’objectif est clair : répondre de manière résolue à la montée en puissance du narcotrafic et de la violence qu’il génère sur le territoire national.
Marseille est devenue un point névralgique de cette lutte. En 2023, la ville a été le théâtre de 49 homicides liés au narcotrafic, un chiffre alarmant qui inclut des victimes de plus en plus jeunes. Face à ce constat, Didier Migaud a souligné l’urgence d’agir, affirmant que « le narcotrafic est devenu une menace multiforme et tentaculaire » qui « touche des innocents et fragilise les fondements de notre république ». Le choix de Marseille pour cette annonce n’est pas anodin : la ville est régulièrement le théâtre d’affrontements entre gangs, qui se disputent le contrôle des points de vente de drogue.
Les mesures annoncées
Le nouveau parquet national dédié au narcotrafic s’inscrit dans un ensemble de mesures destinées à renforcer l’appareil judiciaire et les moyens d’enquête. Selon Didier Migaud, cette nouvelle juridiction aura pour mission de coordonner les enquêtes et de centraliser les efforts contre le narcotrafic. Il a également évoqué la création de quartiers spécifiques dans les prisons pour les trafiquants de drogue, visant à éviter que les détenus impliqués dans le trafic ne poursuivent leurs activités depuis leur cellule.
Par ailleurs, le statut des repentis sera repensé, avec pour objectif d’encourager les témoins à collaborer pour faire tomber les réseaux de narcotrafiquants. Inspiré du modèle italien, ce nouveau cadre de protection pourrait jouer un rôle clé dans les enquêtes les plus complexes.
Le narcotrafic menace les intérêts fondamentaux de la nation
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a quant à lui souligné l’aspect systémique du narcotrafic, qui s’infiltre dans toutes les sphères de la société. Selon lui, le narcotrafic est bien plus qu’un problème de violence urbaine, c’est « une menace pour les intérêts fondamentaux de notre nation, une menace qui attaque notre démocratie et gangrène nos institutions ». Il a également annoncé des mesures pour intensifier les saisies et frapper les trafiquants là où cela fait mal : au portefeuille.
Les préfets se verront attribuer de nouveaux pouvoirs pour fermer les commerces soupçonnés de blanchiment d’argent issu du trafic de drogue. En complément, des interdictions de paraître dans les zones de deal seront instaurées pour les trafiquants reconnus coupables. Retailleau a également mentionné la possibilité d’interdire certaines activités aux individus condamnés pour narcotrafic.
Une réponse adaptée à une criminalité en mutation
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les saisies de cocaïne ont été multipliées par cinq en dix ans, et des drogues de plus en plus dures sont désormais accessibles partout en France. Face à cette évolution rapide, le gouvernement prévoit une mobilisation des forces de police, avec des techniques d’enquête inspirées de celles utilisées pour lutter contre le terrorisme. Retailleau a par ailleurs promis une coordination renforcée avec les forces de sécurité des pays voisins pour une lutte transnationale.
Le procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Franck Rastoul, a également souligné l’importance de revoir les dispositifs de lutte. Il a exprimé ses inquiétudes quant à « l’asphyxie de l’appareil judiciaire » face à un volume de cas grandissant. Selon lui, la lutte contre le narcotrafic doit s’accompagner d’un soutien accru aux juridictions spécialisées.
Les familles, les associations locales et les autorités municipales de Marseille ont été reçues par les ministres, qui ont échangé avec elles sur les effets de cette violence au quotidien. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un quotidien rythmé par les affrontements, l’insécurité et les drames. Amine Kessaci, porte-parole de l’association Conscience, a rappelé l’urgence d’apporter des réponses concrètes aux habitants des quartiers touchés, qui attendent des actions sur la sécurité, le logement, et le soutien aux familles.
Le projet de loi soutenu par Didier Migaud et Bruno Retailleau, inspiré des travaux de sénateurs, proposera également des sanctions renforcées pour les criminels impliqués dans le narcotrafic, avec des peines pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison. Le texte vise également la création d’une procédure d’injonction de richesse inexpliquée, permettant de mieux contrôler les revenus des personnes suspectées de trafic.
Pour les spécialistes, l’accent doit être mis sur une politique de répression combinée à une action durable de prévention. L’exemple des « Opérations Place nette » a prouvé que des résultats significatifs pouvaient être obtenus, mais au prix d’une coordination des acteurs et d’un effort constant.