Une enquête récente a révélé la présence de tritium, un élément radioactif, dans l’eau potable de nombreuses communes françaises. Cette découverte suscite des interrogations quant à la qualité de l’eau et aux éventuels risques pour la santé des populations concernées. Plus de 2 300 communes sont touchées, affectant des millions de personnes.
Qu’est-ce que le tritium ?
Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène. Il est naturellement présent en faibles quantités dans l’environnement, mais la majeure partie détectée dans les eaux françaises provient des rejets des centrales nucléaires. Ce radionucléide émet des rayonnements bêta de faible énergie, inoffensifs à l’extérieur du corps, mais potentiellement dangereux une fois ingérés ou inhalés.
Des zones particulièrement concernées
Selon les données collectées entre 2016 et 2024 par la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) et relayées par Médiapart, le tritium a été détecté dans l’eau du robinet de plusieurs régions, en particulier le long des grands fleuves où se situent les centrales nucléaires.
- Rivières impactées : la Seine, la Loire, la Vienne, la Garonne et le Rhône.
- Communes touchées : Châtellerault et Naintré (Vienne) ont enregistré des niveaux records de 65 becquerels par litre (Bq/l) en 2017.
- Occitanie : des localités comme Nîmes et Calvisson (Gard) affichent des taux supérieurs à 10 Bq/l.
Quelle est la norme de sécurité ?
En France, la valeur de référence pour le tritium dans l’eau potable est de 100 Bq/l. Ce chiffre indique le seuil à partir duquel des analyses supplémentaires doivent être effectuées pour évaluer les risques. Cependant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère une eau potable jusqu’à 10 000 Bq/l, une norme contestée par la CRIIRAD.
Le bruit de fond naturel de tritium dans l’eau est généralement inférieur à 2 Bq/l. Dès que cette valeur est dépassée, on suppose que la source est liée à une activité humaine, souvent des rejets nucléaires.
Les autorités françaises estiment que les niveaux actuels de tritium détectés dans l’eau ne représentent pas de danger immédiat pour la santé. Cependant, des scientifiques mettent en garde contre les effets potentiels de l’exposition prolongée, même à de faibles doses :
- Altérations de l’ADN : le tritium ingéré peut causer des dommages génétiques.
- Risque accru de cancers : certaines études montrent une corrélation entre l’exposition au tritium et une augmentation des cancers.
- Réduction de la fertilité : l’exposition pourrait également affecter les capacités reproductives.
Une étude de l’Université de Caroline du Sud a analysé plus de 250 publications scientifiques et conclu que le tritium pourrait avoir des effets biologiques préoccupants.
Pourquoi certaines communes sont-elles plus touchées ?
Les communes situées en aval des centrales nucléaires sont particulièrement exposées, car les rejets de tritium dans les cours d’eau s’y diluent. En Occitanie, par exemple, des villages comme Comps et Congénies, situés près du Rhône, enregistrent des niveaux bien au-delà du bruit de fond habituel.
En revanche, certaines localités plus éloignées des centrales, comme en Ardèche, affichent également des taux significatifs. Cela s’explique par des prélèvements d’eau en aval d’autres installations industrielles ou des analyses plus précises effectuées dans ces régions.
Une transparence insuffisante selon la CRIIRAD
Bien que les contrôles de tritium dans l’eau soient obligatoires depuis 2005, la CRIIRAD critique un manque de transparence dans la communication des résultats. Les données ne sont pas toujours facilement accessibles au grand public, ce qui alimente les inquiétudes.
La CRIIRAD appelle également à une réduction des seuils réglementaires et à une révision des normes actuelles pour mieux protéger les populations des risques liés à l’exposition au tritium.
Pour mieux comprendre et prévenir les effets du tritium sur la santé, plusieurs mesures sont nécessaires :
- Renforcer les contrôles : des analyses régulières et accessibles pour toutes les communes concernées.
- Réduire les rejets nucléaires : améliorer les systèmes de filtration et de gestion des eaux usées des centrales.
- Informer le public : sensibiliser les habitants sur les risques potentiels et les moyens de limiter leur exposition.
Le tritium, bien qu’invisible et inodore, est un indicateur des défis liés à la gestion des déchets nucléaires et à la qualité de l’eau potable en France. Les résultats des enquêtes actuelles soulignent l’importance d’une vigilance accrue pour garantir la sécurité de l’eau consommée par des millions de Français.