Un scandale déclenché par une interview maladroite
Tout est parti d’une interview donnée à BFMTV le 4 octobre. Invitée à s’exprimer sur les frais de représentation des maires d’arrondissement, Jeanne d’Hauteserre a surpris tout le monde par sa franchise déconcertante. « J’ai cette image de maire toujours bien sapée, toujours élégante. Chaque maire a une enveloppe de 990 euros par mois, moi j’ai préféré m’acheter des fringues », a-t-elle déclaré en toute décontraction.
Une confession qui aurait pu passer inaperçue… si elle n’avait pas ajouté, face caméra : « Je comprends qu’une personne qui gagne 1 200 euros par mois soit choquée. Et je profite de l’occasion pour remercier nos concitoyens qui travaillent et nous permettent d’avoir ces indemnités. » Une phrase jugée condescendante et totalement déconnectée de la réalité sociale actuelle. En plein contexte d’inflation, la réaction des téléspectateurs ne s’est pas fait attendre : indignation sur les réseaux sociaux et critiques en cascade, aussi bien à gauche qu’à droite.
Des dépenses bien réelles, mais légales
Les révélations du journal Libération ont ensuite confirmé l’ampleur des dépenses. Entre 2020 et 2024, la maire du VIIIe arrondissement a dépensé 35 779 euros en vêtements, achetés dans des enseignes de luxe telles que Maje, Sandro, Eric Bompard ou Carven. Une frénésie d’achats concentrée notamment en décembre 2023, où elle aurait dépensé plus de 7 000 euros en trois semaines seulement.
Ces frais entrent dans le cadre de l’enveloppe annuelle de 11 000 euros dont dispose chaque maire d’arrondissement pour ses fonctions de représentation. Officiellement, la Ville de Paris autorise les dépenses vestimentaires liées à la fonction (achat et entretien), à condition qu’elles soient justifiées et non personnelles. Problème : la frontière entre obligations professionnelles et plaisir personnel reste floue, surtout quand il s’agit de vêtements haut de gamme.
La promesse d’un remboursement et un mea culpa
Face à la colère montante, Jeanne d’Hauteserre a changé de ton. Dans les colonnes du Parisien, elle a annoncé vouloir rembourser la totalité des sommes engagées. « Ces dépenses sont légales mais elles choquent nos concitoyens. Je vais saisir les services juridiques pour voir comment procéder », a-t-elle expliqué. L’élue envisage même de faire appel à la commission de déontologie de la Ville de Paris pour officialiser ce remboursement, une première du genre.
Consciente de l’impact de ses propos, elle admet désormais avoir été maladroite : « J’ai été franche, c’est mon tempérament, mais je n’ai voulu narguer personne », a-t-elle confié. « Mon message n’était pas celui-là. Je voulais simplement rappeler que ces dépenses étaient encadrées, mais j’ai compris que la symbolique avait choqué. »
Les Parisiens partagés entre ironie et agacement
Dans le VIIIe arrondissement, les habitants oscillent entre amusement et exaspération. Certains trouvent la polémique disproportionnée, rappelant que leur maire représente un arrondissement « chic » où l’élégance fait partie du décor. D’autres, au contraire, voient dans cette affaire un symbole du fossé entre les élus et la réalité du quotidien. « On demande aux gens de se serrer la ceinture pendant que des élus s’offrent des tailleurs à 1 000 euros. C’est indécent », a confié un habitant à 20 Minutes.
Sur les réseaux sociaux, la séquence est devenue virale. Des internautes détournent ses propos en mèmes, d’autres s’indignent de voir l’argent public utilisé de cette manière. Pour beaucoup, le problème dépasse les 35 000 euros : il traduit un manque de sens politique et une déconnexion inquiétante avec les difficultés des Français.
Une élue en quête de rédemption
Après plus de dix ans à la tête du VIIIe arrondissement, Jeanne d’Hauteserre voit sa réputation sérieusement écornée. Si elle promet d’être désormais « exemplaire », la crise de confiance est réelle. « Les responsables publics doivent être exemplaires et partager les efforts demandés à chacun », a-t-elle écrit dans un communiqué, se présentant comme la première élue parisienne à aligner ses actes sur ses paroles.
Certains observateurs y voient une tentative de sauver sa carrière politique avant les municipales de 2026. D’autres saluent, malgré tout, un geste courageux. Le remboursement — s’il est validé par la mairie — marquerait un précédent en matière d’éthique politique locale.
Vers une réflexion plus large sur les privilèges des élus
Au-delà de la polémique personnelle, l’affaire d’Hauteserre relance un débat de fond : faut-il revoir les frais de représentation des élus ? Entre dépenses légales et usage discutable, le flou persiste. De plus en plus de citoyens réclament une transparence accrue et une harmonisation des pratiques. Dans un climat social tendu, chaque euro dépensé par un responsable public est désormais scruté.