Un transfert qui tourne mal
L’histoire commence à l’été 2022. Un détenu du centre de détention de Châteaudun est transféré vers la prison d’Orléans-Saran. Comme le veut la procédure, tous ses effets personnels sont soigneusement inventoriés : vêtements, affaires de toilette, livres… et une console de jeux vidéo avec sa manette, achetée légalement via la “cantine”, le catalogue d’objets autorisés par l’administration pénitentiaire.
Mais à l’arrivée, mauvaise surprise : le disque dur est endommagé et la manette a disparu. Le détenu signale immédiatement la perte, mais sa demande d’indemnisation est rejetée. L’administration refuse d’admettre sa responsabilité, estimant que rien ne prouve que la casse soit survenue pendant le transfert. L’homme décide alors de saisir la justice administrative.
La justice donne raison au détenu
Deux ans plus tard, le tribunal administratif d’Orléans lui donne gain de cause. Dans son jugement rendu en septembre 2025, la juridiction reconnaît “un défaut dans l’organisation du transfert” et condamne l’État à verser 200 euros d’indemnisation au prisonnier. Une somme inférieure à la valeur réelle du matériel, mais suffisante pour établir un principe : l’administration pénitentiaire reste responsable des biens personnels confiés à sa garde.
« Même une console de jeux reste un bien personnel protégé par le droit. L’État ne peut s’exonérer de sa responsabilité en cas de détérioration pendant un transfert », précise le jugement.
Des consoles autorisées en milieu carcéral
Contrairement à une idée reçue, les détenus ont le droit de posséder certains objets de loisir, dont des consoles de jeux vidéo. Ces appareils doivent toutefois être dépourvus d’accès à Internet et leurs jeux doivent être validés par l’administration. L’objectif est clair : occuper le temps libre et limiter les tensions dans des environnements souvent surpeuplés.
Les consoles sont souvent achetées par les détenus eux-mêmes ou offertes par leurs proches. Elles servent à se détendre, à passer le temps, mais aussi à préserver un lien avec le monde extérieur. Dans certaines prisons européennes, le jeu vidéo est même utilisé dans des programmes de réinsertion, notamment pour développer la coopération, la concentration ou la gestion des émotions.
Une affaire symbolique
La condamnation de l’État peut sembler anecdotique, mais elle marque une étape importante dans la reconnaissance des droits matériels des détenus. En France, les transferts entre établissements sont fréquents, et chaque déplacement s’accompagne de risques de perte ou de dégradation des affaires personnelles. Ce jugement rappelle que même derrière les barreaux, les détenus conservent leurs droits fondamentaux.
Pour certains observateurs, cette décision interroge aussi la perception du jeu vidéo en prison. Faut-il le considérer comme un luxe ou comme un outil d’équilibre psychologique ? Si les critiques dénoncent une forme de confort injustifié, d’autres rappellent que ces activités participent à maintenir la stabilité en détention. Un surveillant confiait récemment à un journaliste :
Un détenu qui joue, c’est un détenu calme. Et un détenu calme, c’est une prison plus sûre.