La publication prochaine du premier livre de Jordan Bardella, intitulé Ce que je cherche, suscite déjà une importante polémique, bien avant sa sortie officielle prévue pour le 9 novembre. Le président du Rassemblement National (RN) devait bénéficier d’une vaste campagne publicitaire dans les gares françaises, grâce à un accord passé entre Fayard, sa maison d’édition, et Mediatransports, la régie publicitaire de la SNCF. Cette campagne devait se dérouler entre le 25 novembre et le 17 décembre, avec 581 panneaux d’affichage réservés dans une centaine de gares à travers le pays, tant à Paris qu’en province.
Cependant, cette initiative a rapidement été bloquée par les syndicats de la SNCF, notamment SUD-Rail et la CGT Cheminots, qui se sont insurgés contre cette publicité pour un livre écrit par le leader d’un parti qu’ils qualifient de “raciste, xénophobe, homophobe et sexiste”.
Les syndicats de la SNCF montent au créneau
Le syndicat SUD-Rail, l’un des plus importants de la SNCF, a immédiatement réagi en appelant la direction de l’entreprise publique à “refuser cette campagne publicitaire au service d’un parti d’extrême droite”. Selon le secrétaire fédéral du syndicat, Fabien Villeudieu, il s’agit d’un acte de “provocation” inacceptable qui va à l’encontre des valeurs prônées par les cheminots, notamment la tolérance et le vivre-ensemble. Le syndicat a même menacé de “recouvrir les affiches” si la campagne était maintenue.
De son côté, la CGT Cheminots a publié un long communiqué dans lequel elle dénonce cette initiative comme étant “contraire aux valeurs démocratiques et humanistes” de la SNCF. Thierry Nier, secrétaire général de la fédération, a interpellé directement le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, en demandant l’annulation immédiate de cette campagne, qu’il juge offensante pour de nombreux cheminots.
Jordan Bardella dénonce une atteinte à la liberté d’expression
Face à cette opposition, Jordan Bardella n’a pas tardé à réagir. Dans un message publié sur X (anciennement Twitter), le président du Rassemblement National a dénoncé les actions des syndicats comme étant “inacceptables” et constituant une “grave atteinte à la liberté d’expression”. Il accuse les syndicats d’extrême gauche de vouloir imposer une forme de censure, en empêchant la diffusion d’idées qui ne sont pas en accord avec les leurs.
Le ton se durcit donc entre Bardella et les syndicats, avec un échange d’accusations autour de la liberté d’expression et du rôle de la SNCF en tant qu’entreprise publique. Le président du RN a qualifié ces tentatives d’intimidation de “préoccupantes”, affirmant qu’elles mettaient en lumière un climat de censure généralisée en France.
Une régie publicitaire dans l’embarras
De son côté, Mediatransports, la régie publicitaire en charge de la gestion des espaces publicitaires dans les gares, se trouve dans une situation délicate. Elle a déclaré qu’elle n’avait initialement pas été informée que la campagne concernait un ouvrage de Jordan Bardella, une pratique courante pour ce type de contrat.
La régie a précisé qu’elle examinerait attentivement les visuels de la campagne, notamment pour s’assurer qu’ils ne véhiculent pas un message politique en contradiction avec la neutralité exigée dans les lieux publics. Bien qu’elle reconnaisse ne pas avoir de fondement légal pour annuler la campagne à ce stade, elle a néanmoins laissé entendre qu’elle pourrait envisager de revenir sur sa décision si des troubles à l’ordre public ou d’autres objections légales venaient à se manifester.
Cette affaire met en lumière un dilemme récurrent dans le paysage médiatique français : la frontière entre la promotion commerciale et la promotion politique. Bien que Jordan Bardella publie un livre et non une campagne électorale, ses détracteurs estiment que la promotion de cet ouvrage ne peut être séparée de ses engagements politiques en tant que chef de file du Rassemblement National. Pour les syndicats, permettre une telle campagne reviendrait à banaliser les idées de l’extrême droite dans un lieu aussi symbolique que les gares publiques.
Du côté des soutiens de Bardella, cette situation est vue comme une nouvelle preuve de la polarisation politique en France, où la liberté d’expression serait selon eux de plus en plus menacée par des pressions idéologiques.
Alors que la campagne publicitaire devait débuter à la fin du mois de novembre, la direction de la SNCF n’a pas encore pris de décision officielle concernant le maintien ou l’annulation de cette publicité. Toutefois, le débat autour de cette affaire ne semble que s’intensifier, soulevant des questions profondes sur la neutralité des espaces publics et les limites de la liberté d’expression en France.