La « blanche » rapporte désormais plus que le « vert »
Les chiffres donnent le vertige. Selon une étude menée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le marché des drogues illicites en France a atteint un chiffre d’affaires global de 6,8 milliards d’euros en 2023. C’est presque le triple de ce qu’il était en 2010.
Mais la véritable information, c’est le croisement des courbes. Alors que le cannabis reste la drogue la plus consommée en volume (près de 400 tonnes écoulées), c’est la cocaïne qui remplit le plus les poches des trafiquants. En 2023, le marché de la poudre a généré 3,1 milliards d’euros, contre 2,7 milliards pour l’herbe et la résine. Une inversion historique qui s’explique par une explosion de la valeur : le chiffre d’affaires de la cocaïne a été multiplié par trois en treize ans.
Plus pure, moins chère et livrée à domicile
Comment expliquer ce « tsunami blanc » ? C’est une simple loi de marché : l’offre a explosé et le produit est devenu ultra-accessible. Fini le temps où le gramme coûtait une fortune pour une qualité médiocre. Aujourd’hui, le ratio prix-pureté n’a jamais été aussi attractif pour les consommateurs :
- Le prix chute : Le gramme est passé sous la barre symbolique des 60 euros en moyenne.
- La pureté grimpe : Le taux de principe actif moyen avoisine les 75%, rendant le produit beaucoup plus puissant et addictif.
- L’accessibilité totale : Avec des stratégies de ventes fractionnées (des doses à 20 euros) et la livraison via des messageries comme Snapchat, se procurer de la coke est devenu aussi simple que de commander une pizza.
C’est d’abord une question d’offre avec une production mondiale qui a explosé… Des groupes criminels n’hésitent pas à investir tous les recoins du territoire.
Fin du mythe : la drogue de « l’élite » est partout
Oubliez le cliché du banquier de Wall Street ou de la star du showbiz. La consommation de cocaïne s’est banalisée et touche désormais toutes les couches de la société : ouvriers, employés de bureau, professions manuelles ou intellectuelles. L’étude révèle qu’aujourd’hui, un adulte sur dix a déjà expérimenté la cocaïne.
Le plus inquiétant ? La consommation s’invite au travail. Pour tenir la cadence, gérer la pression ou simplement rester éveillé, l’usage se fait dans les toilettes de l’entreprise ou sur le parking. Ce n’est plus seulement une drogue festive du samedi soir, mais un carburant du quotidien pour certains, y compris dans les zones rurales et périurbaines qui étaient jusque-là épargnées.
Une logistique mondialisée et des cartels connectés
Derrière cette inondation du marché français se cache une réorganisation mondiale du trafic. La production en Amérique du Sud (Colombie, Pérou, Bolivie) bat des records, dépassant les 3 000 tonnes par an. Mais c’est la logistique qui a changé la donne.
Des organisations criminelles brésiliennes, comme le puissant PCC (Primeiro Comando da Capital), jouent désormais les grossistes logistiques, envoyant des conteneurs entiers vers les ports européens comme Le Havre ou Rotterdam. Côté français, les trafiquants de cannabis « historiques » se sont connectés directement aux cartels sud-américains, supprimant les intermédiaires pour maximiser leurs marges.
L’Ecstasy et la MDMA en embuscade
Si la cocaïne attire toute la lumière, une autre menace grandit dans l’ombre. Le marché des psychostimulants comme l’ecstasy et la MDMA connaît la plus forte croissance en valeur : +637% depuis 2010. Avec plus de 65 millions de comprimés estimés en 2023, ces drogues de synthèse confirment l’appétit croissant des Français pour les produits stimulants.
Face à ce constat alarmant, les autorités soulignent l’urgence de renforcer l’action publique, non seulement sur la répression du trafic, mais aussi sur la prévention et la demande. Car derrière les milliards d’euros, ce sont des enjeux de santé publique majeurs qui se dessinent.








