Le cri d’alerte ignoré qui a changé la vie d’Abdenour Belhouli

Un rendez-vous banal, un bras qui lâche, un retour à la maison alors que l’urgence était écrite noir sur blanc. L’histoire d’Abdenour Belhouli, devenu tétraplégique après une prise en charge contestée à la Pitié-Salpêtrière, interroge la manière dont l’hôpital écoute — ou ignore — les signaux critiques. Sa famille se bat aujourd’hui pour obtenir justice.
Abdenour Belhouli

Un examen simple qui bascule dans l’inquiétude

Le 22 novembre 2024, Abdenour Belhouli s’est rendu à l’hôpital pour un scanner de la cheville. Un examen en apparence banal, compliqué seulement par une difficulté à rester immobile, fréquente chez les personnes atteintes de trisomie 21. Le scanner devait donc être réalisé sous sédation, une procédure que tous les établissements ne pratiquent pas.

L’examen n’a finalement pas lieu, un problème de date étant évoqué. Abdenour et son beau-frère profitent d’un café avant de partir, quand un détail alerte immédiatement la famille : la main gauche d’Abdenour ne répond plus.

Ils sont encore dans l’hôpital, alors direction les urgences. Après des examens, le verdict tombe : compression médullaire. Une urgence absolue.

Une alerte écrite, mais une sortie décidée

Dans une note médicale que la famille a pu consulter, les consignes sont claires : “appeler le neurochirurgien en urgence”, “risque de tétraplégie”, “arrêt cardiaque par souffrance médullaire haute”. Le type de mention qu’on ne prend jamais à la légère.

Pourtant, Abdenour est renvoyé chez lui. On lui conseille de « consulter un médecin de ville », une recommandation incompréhensible au regard de la gravité constatée.

« On s’est dit que si on le laissait sortir, c’est que ce n’était pas si grave », raconte son beau-frère. « Mais c’était très grave. »

Un aller-retour dramatique entre maison et hôpital

En deux jours, l’état d’Abdenour s’effondre. Après le bras gauche, c’est le côté droit qui lâche. La famille appelle l’hôpital, mais reçoit une réponse floue : « Attendez demain, je devrais avoir un responsable. »

Perdus, ils se rendent en pleine nuit dans une pharmacie ouverte 24/24. En entendant “compression médullaire haute”, la pharmacienne est catégorique : retour immédiat aux urgences.

Cette fois, Abdenour ne peut presque plus marcher. Les complications s’enchaînent : opération lourde, réanimation, problèmes cardiaques. Des mots difficiles sont prononcés à la famille, dont un terrible : « Il a 45 ans, il a assez vécu. »

Une famille qui refuse d’abandonner

Aujourd’hui, Abdenour est tétraplégique. Un pacemaker a été implanté pour stabiliser son rythme cardiaque. Malgré tout, il reste souriant, entouré chaque jour par sa famille. Sa sœur Farida, qui est aussi sa tutrice, parle de lui comme d’un « vrai gentil » qui ne veut jamais déranger.

« Sa différence le protège parce qu’il a gardé son monde à lui », souffle-t-elle. « Il s’adapte, il continue de rigoler. »

La bataille judiciaire s’intensifie

La famille a saisi la justice pour contester la limitation des soins décidée par l’hôpital et pour faire reconnaître ce qu’elle considère comme une faute grave dans la prise en charge du 22 novembre 2024. L’affaire est désormais entre les mains de la Cour européenne des droits de l’homme.

Une audience est prévue, exactement un an jour pour jour après le début du drame. Pour la famille, ce combat dépasse le simple cas médical. Il révèle aussi, selon eux, une stigmatisation double : celle d’un handicap et celle d’un nom.

« Bien sûr qu’il y a de la discrimination : mon frère est handicapé et en plus, il s’appelle Abdenour Belhouli », affirme sa sœur.

Le cri d’alerte ignoré ce jour-là continue aujourd’hui d’agiter les couloirs de l’hôpital et les instances judiciaires. Pour Abdenour et les siens, il s’agit désormais de faire entendre ce qui n’a pas été entendu à temps.

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