Les arrestations liées aux escroqueries au Compte Personnel de Formation (CPF) se succèdent, mettant en lumière un système frauduleux complexe et bien organisé. Cette affaire, qui implique des millions d’euros détournés, révèle l’ampleur d’une fraude massive orchestrée par des réseaux structurés, souvent en lien avec le grand banditisme.
Un système de fraude à grande échelle
Créé en 2019, le Compte Personnel de Formation (CPF) permet à chaque personne active de cumuler des droits à la formation, en euros, via une plateforme en ligne. Ces fonds, gérés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sont destinés à financer des formations professionnelles. Cependant, ce dispositif, conçu pour faciliter l’accès à la formation, est devenu la cible d’escroqueries de grande ampleur.
Le mode opératoire des escrocs est relativement simple mais efficace : ils créent des sociétés fictives de formation, souvent avec l’aide de prête-noms, pour accéder aux crédits du CPF. Une fois les fonds reçus, ces derniers sont rapidement transférés à l’étranger ou utilisés pour des achats de biens de luxe, rendant leur traçabilité difficile. Selon les premières estimations, plusieurs millions d’euros ont ainsi été détournés.
Une enquête de longue haleine
L’enquête a débuté en 2022, à Trappes (Yvelines), lorsqu’un trafiquant de stupéfiants a attiré l’attention des autorités en achetant une voiture de luxe après avoir reçu des virements d’une société de formation. Les enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme (BRB) de Versailles ont alors découvert l’existence d’un réseau de sociétés fictives, dont l’objectif était de détourner les crédits du CPF.
Outre les escroqueries au CPF, l’enquête a mis en lumière des liens avec d’autres activités criminelles, notamment le trafic de voitures volées, géré depuis Dubaï. Ce réseau sophistiqué aurait également impliqué des policiers et gendarmes corrompus, recrutés sur Snapchat ou Telegram pour surveiller les inscriptions de véhicules volés et faciliter la revente de voitures volées en France et à l’étranger.
Des arrestations en chaîne
Depuis le 17 septembre 2024, plusieurs arrestations ont eu lieu, aboutissant à la mise en examen d’au moins quatre hommes. Parmi eux, Ali M., soupçonné d’avoir orchestré une fraude massive à travers 23 sociétés fictives. Son frère, Mourad M., est également visé par la justice, mais réside actuellement à Dubaï, compliquant son arrestation.
L’enquête a permis d’identifier un préjudice de 16 millions d’euros pour l’État, mais les autorités estiment que la fraude pourrait être bien plus importante. Selim K., un autre suspect, est accusé d’avoir monté à lui seul 123 sociétés fictives pour détourner les crédits du CPF. Les fonds ainsi obtenus étaient utilisés pour des achats de biens de luxe et blanchis à travers divers mécanismes, notamment des virements à l’étranger.
Une fraude comparable à celle de la taxe carbone
Cette fraude rappelle par bien des aspects la fameuse arnaque à la taxe carbone, qui avait permis à des escrocs de détourner des milliards d’euros en profitant d’une faille dans le système de TVA. De la même manière, les escrocs du CPF ont exploité une faille dans le contrôle des formations : les vérifications étant réalisées après coup, il est souvent trop tard pour récupérer les fonds une fois la fraude découverte.
Les escrocs ont su rapidement industrialiser le processus en créant des dizaines de sociétés fictives et en exploitant à grande échelle le dispositif du CPF. Chaque société percevait des dizaines de milliers d’euros, qui étaient ensuite répartis entre les organisateurs de l’escroquerie et les faux stagiaires, avant d’être blanchis via des transferts à l’étranger.
Les complices dans les rangs des forces de l’ordre
Dans cette affaire, l’un des volets les plus troublants concerne la participation de policiers et de gendarmes corrompus. Ces derniers auraient été recrutés sur des réseaux sociaux comme Snapchat ou Telegram pour surveiller les inscriptions des voitures volées dans les fichiers de la police, facilitant ainsi le trafic de véhicules.
Une partie de l’argent détourné aurait été blanchi à Dubaï, où plusieurs des protagonistes, dont Mourad M., sont installés. Le lien avec des trafics internationaux rend l’affaire particulièrement complexe, impliquant des réseaux bien implantés à la fois en France, au Maroc et aux Émirats arabes unis.
Des mesures pour renforcer les contrôles
Face à l’ampleur de cette arnaque, le gouvernement et les autorités de contrôle, notamment la Caisse des dépôts, envisagent de renforcer les contrôles a priori sur les demandes de financement du CPF. L’objectif est d’éviter que de telles fraudes ne puissent se reproduire en améliorant les vérifications des sociétés de formation et des bénéficiaires des crédits.
Enfin, pour lutter contre ce type de fraude transnationale, une coopération internationale renforcée est nécessaire, notamment avec les autorités des pays où l’argent est blanchi, comme Dubaï. Cela permettrait de geler les fonds frauduleux et de faciliter l’extradition des suspects.
L’affaire des escroqueries au CPF met en lumière l’existence d’un réseau complexe de fraudeurs ayant exploité une faille dans un dispositif d’aide publique. Face à l’ampleur du préjudice, les autorités françaises doivent agir rapidement pour améliorer la sécurité du système et prévenir de nouvelles fraudes à l’avenir.