Ce mercredi, l’Institut européen des sciences humaines (IESH), situé à Saint-Léger-de-Fougeret, dans la Nièvre, a fait l’objet d’une vaste perquisition menée par la police judiciaire. Cette intervention s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de blanchiment d’argent, d’abus de confiance et de non-respect de l’obligation de déclaration de financements étrangers, conformément à la loi contre le séparatisme adoptée en 2021.
Des financements venus de l’étranger dans le collimateur
Les autorités soupçonnent des financements en provenance du Qatar, atteignant potentiellement 300 000 euros, d’avoir été dissimulés. Ces fonds, qui auraient dû être déclarés, seraient au cœur des investigations. L’enquête a été ouverte à la suite d’un signalement en 2023, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, obligeant tout fonctionnaire à signaler une infraction constatée.
Les enquêteurs, accompagnés de spécialistes de la sous-direction antiterroriste, ont saisi des documents comptables, des disques durs et une somme d’argent liquide trouvée dans le coffre-fort de l’établissement. La procureure de Nevers, Anne Lehaître, a confirmé que l’opération avait été productive, bien que les détails précis restent confidentiels.
Fondé en 1992 à l’initiative de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), devenue Musulmans de France, l’IESH forme des imams « à la française ». Cette initiative visait à offrir une alternative à l’influence étrangère dans la formation des cadres religieux islamiques. Cependant, l’institut est souvent associé à la mouvance des Frères musulmans, une confrérie islamiste controversée.
Le doyen de l’institut, Larabi Becheri, affirme l’indépendance de l’établissement et réfute tout lien avec les Frères musulmans. Selon lui, l’établissement fonctionne grâce à des cotisations couvrant 80 à 85 % des besoins financiers, le reste étant assuré par des dons déclarés, le dernier en provenance du Qatar remontant à 2018.
L’IESH est le premier établissement de ce type en France, créé dans le Morvan, région chère à François Mitterrand, qui souhaitait promouvoir une formation locale des imams. Cette ambition a été reprise plus tard par Emmanuel Macron, dans le cadre de sa lutte contre le radicalisme religieux. L’institut accueille environ 260 étudiants, et ses programmes visent à former des cadres religieux capables de conjuguer pratique islamique et valeurs républicaines.
La perquisition a rapidement suscité des réactions politiques. Le député Julien Guibert, membre du Rassemblement National, a appelé sur les réseaux sociaux à la fermeture de l’établissement, qu’il considère comme une « école de la mouvance frériste ». Cette déclaration illustre le climat tendu autour de la question de l’islam en France et des institutions liées à cette religion.
Selon le doyen, l’institut fait face à des difficultés financières et administratives. Les banques, même celles désignées par la Banque de France, refusent de collaborer avec l’établissement, l’obligeant à gérer ses fonds en liquide. Il dénonce une tentative de déstabilisation par des individus mal intentionnés, expliquant que le signalement à l’origine de l’enquête pourrait être infondé.
Avec la loi contre le séparatisme, adoptée en 2021, les règles de financement des associations cultuelles se sont durcies, imposant une transparence totale sur les dons étrangers. Cette affaire pourrait donc servir d’exemple dans l’application de cette législation récente.