Le tribunal correctionnel de Carcassonne a rendu son jugement ce mercredi 13 novembre dans l’affaire de Verzeille, une violente agression survenue en juillet 2022 lors de la fête du village, où deux jeunes hommes, dont un d’origine guadeloupéenne, ont été pris à partie par plusieurs individus. Trois hommes, dont le maire adjoint de Verzeille, Ludovic Bérail, ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Le caractère raciste de l’agression, pourtant dénoncé par plusieurs parties civiles, n’a pas été retenu par la justice, entraînant un vif débat.
Une rumeur qui dégénère
Les faits remontent à la nuit du 24 juillet 2022, lors d’une fête de village à Verzeille. La soirée, initialement festive, a basculé dans la violence à la suite d’une rumeur de « piqûres sauvages » sur des participants. Cette psychose, alimentée par des incidents similaires signalés à travers la France, a entraîné une suspicion envers un groupe de jeunes hommes, dont Hans, l’une des victimes, et ses amis.
Vers minuit, un malaise inexpliqué d’un jeune participant a renforcé les soupçons. Malgré l’absence de preuves, des rumeurs ont rapidement circulé, accusant « les Noirs » de la fête d’être responsables des prétendues injections. Ces accusations sans fondement ont abouti à une violente agression physique, filmée par des témoins et largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Ludovic Bérail, maire adjoint et président d’un club de rugby local, ainsi que deux autres hommes, ont été identifiés comme les principaux agresseurs. Les trois hommes ont nié toute intention raciste, affirmant avoir été agressés en premier. Cependant, les témoignages des victimes et de plusieurs témoins indiquent que l’attaque s’est concentrée sur les jeunes hommes noirs présents à la fête, malgré la présence de personnes de toutes origines.
Hans, l’une des victimes, décrit une expérience traumatisante, où il a craint pour sa vie. D’autres témoins, dont un ancien videur présent sur les lieux, ont confirmé que les victimes n’avaient montré aucun comportement suspect avant l’incident.
Le jugement du tribunal de Carcassonne
Lors du procès, le parquet a requis des peines de prison avec sursis et des interdictions pour les prévenus d’exercer des fonctions publiques ou de porter des armes. Le tribunal a finalement condamné Ludovic Bérail et les deux autres prévenus à des peines de prison allant de douze à dix-huit mois avec sursis, accompagnées de restrictions. Le tribunal a également ordonné aux condamnés de verser une indemnité de 1 500 euros à Hans pour les dommages subis.
Malgré les arguments avancés par les associations antiracistes, comme la Maison des Potes, qui souhaitaient que le caractère raciste de l’agression soit reconnu, le tribunal a rejeté cette qualification, une décision qui a suscité de l’indignation parmi les défenseurs des droits civiques.
Samuel Thomas, président de la Maison des Potes, a exprimé son mécontentement face au verdict, dénonçant un « déni collectif de racisme ». Selon lui, la justice n’a pas suffisamment pris en compte les éléments indiquant une motivation raciste. Plusieurs témoins ont rapporté que des insultes raciales avaient été proférées pendant l’agression, ce qui, selon les défenseurs des droits, aurait dû conduire à une qualification raciste des faits.
De plus, l’enquête a été critiquée pour sa lenteur et son manque de rigueur. Des témoins ont évoqué des suspects supplémentaires, mais aucun effort soutenu n’a été entrepris pour les identifier. Samuel Thomas a même adressé une lettre au parquet pour faciliter l’identification d’un agresseur présumé qui n’a jamais été interrogé.
Ludovic Bérail, toujours en fonction en tant que maire adjoint au moment du procès, risque désormais de perdre son poste, une décision que le maire de Verzeille, Christian Audié, a conditionnée à une condamnation. Les événements de Verzeille ont non seulement terni l’image du village, mais ont également mis en lumière la difficulté de traiter les questions de racisme dans les incidents de violence collective.
Pour le maire de Verzeille, qui a tenté de minimiser l’affaire en parlant d’une « bagarre qui a mal tourné », ce verdict rappelle qu’il est parfois difficile de dissocier les comportements individuels des préjugés collectifs. Les associations espèrent que ce procès en appel permettra une réévaluation de la situation pour que justice soit rendue de manière équitable et transparente.
Le président de la Maison des Potes a déjà annoncé son intention de faire appel du jugement, espérant obtenir une requalification des faits en « violences à caractère raciste ». Pour les associations antiracistes, ce cas constitue un exemple préoccupant de la minimisation des actes de discrimination raciale dans le système judiciaire français.
🇫🇷 Mediapart : « Trois hommes ont été condamnés pour violences en réunion sur deux hommes noirs au cours d’une fête de village en 2022. Le motif raciste n’a pas été retenu. La procureure avait également refusé de voir ce caractère aggravant au cours du procès. »
— 75 Secondes 🗞️ (@75secondes) November 13, 2024
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