Qu’est ce que l’affaire Betharram ?

L’affaire Bétharram révèle une réalité glaçante au sein du collège-lycée Notre-Dame-de-Bétharram, situé dans les Pyrénées-Atlantiques. Pendant des décennies, des anciens élèves ont subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles, perpétrées par des membres du personnel. Malgré des signalements sporadiques, l’ampleur des faits n’a été réellement dévoilée qu’à partir de 2023, avec l’afflux de plus d’une centaine de plaintes.
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Une inspection longtemps retardée

La dernière inspection de l’établissement remonte à 1996. Mandaté par le ministère de l’Éducation nationale, un inspecteur avait alors conclu que « les élèves ne sont pas brutalisés », et ce, malgré des témoignages alarmants. Parmi eux, un collégien de 14 ans, victime d’une gifle violente d’un surveillant, ayant entraîné une perte de 40 % d’audition. Aujourd’hui, cet inspecteur reconnaît que son rapport était incomplet et erroné.

Face à la pression médiatique et judiciaire, une nouvelle inspection est programmée pour mars 2025, bien que beaucoup estiment qu’elle aurait dû être menée bien plus tôt.

Des interpellations tardives

Le 31 janvier 2025, trois suspects ont été interpellés dans le cadre de cette affaire. Il s’agit de trois hommes âgés de 94, 70 et 60 ans, accusés de viols aggravés, agressions sexuelles et violences. Ils ont été placés en garde à vue pour une durée initiale de 24 heures, renouvelable si nécessaire.

Malgré ces avancées, la complexité des enquêtes sur des faits aussi anciens représente un obstacle majeur. Selon Maître Thierry Sagardoytho, avocat de plusieurs victimes, l’ancienneté des faits rend l’enquête difficile, notamment en raison des pertes de mémoire des mis en cause et des transformations des lieux au fil du temps.

Un scandale politique

L’affaire Bétharram a pris une dimension politique, impliquant François Bayrou, actuel Premier ministre et ancien ministre de l’Éducation nationale en 1996. Député des Pyrénées-Atlantiques et maire de Pau, il est mis en cause pour son inaction et son silence face aux accusations.

François Bayrou a affirmé « ne jamais avoir eu connaissance de quoi que ce soit » et s’est défendu en précisant n’avoir jamais cherché à influencer l’enquête. Cependant, certains documents et témoignages laissent entendre que des signalements lui avaient été transmis, notamment en 1996, lorsqu’il était ministre de l’Éducation. Face à ces révélations, plusieurs voix s’élèvent pour exiger des explications plus détaillées.

Témoignages accablants et mobilisation des victimes

Le 31 janvier dernier, Alain Esquerre, porte-parole des victimes, a déposé plus de 20 plaintes au tribunal de Pau. Depuis l’ouverture de l’enquête, ce chiffre a explosé, atteignant plus de 106 plaintes, dont une cinquantaine pour violences sexuelles.

Face à la lenteur de la justice, les victimes se mobilisent. En 2023, Alain Esquerre a créé une page Facebook nommée « Les anciens du collège et lycée de Bétharram victimes de l’institution », qui compte aujourd’hui plus de 1200 membres.

Des témoignages d’anciens élèves comme Pascal Gelie et Adrien Honoré décrivent un univers carcéral où la loi du plus fort primait. Adrien Honoré, victime de viols entre 2002 et 2004, parle d’une école « plus dangereuse qu’une prison ».

Les abus étaient répandus et systématiques. Éric Veyron, ancien élève dans les années 1980, témoigne avoir été abusé par un prêtre, le père Silviet-Carricart. Ce dernier a été mis en examen à la fin des années 1990 avant de disparaître mystérieusement. Son corps a été retrouvé dans le Tibre à Rome en 2000.

En mai 2024, la congrégation des Pères de Bétharram a sollicité l’Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD) pour accompagner les victimes. Parallèlement, l’association Apavim offre une aide juridique et psychologique aux survivants.

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