Ce qu’il s’est passé
Selon nos confrères de La Presse, trois partenaires — présentés sous les prénoms d’Alexandre, Arnaud et Émile — ont annoncé à la mi-septembre avoir « adopté [leur] petite fille à trois. Ou presque ». Le dossier avait d’abord été refusé à Montréal, avant d’être évalué par une équipe en Montérégie-Est, où l’adoption a abouti. Aujourd’hui, l’enfant vit avec eux depuis plusieurs années, fréquente un CPE… mais seuls deux hommes sont reconnus légalement comme parents. Le troisième reste une « figure parentale » sans statut plein et entier.
« Aujourd’hui, on a adopté notre petite fille à trois. Ou presque. »
Pourquoi cette adoption fait débat
L’affaire arrive alors que la question de la pluriparentalité (reconnaître légalement plus de deux parents) est en mouvement au Québec. Le 25 avril 2025, la Cour supérieure a jugé inconstitutionnelle la règle limitant la filiation à un ou deux parents et a donné 12 mois au gouvernement pour adapter le Code civil. Le gouvernement a interjeté appel cet été : rien n’est donc tranché définitivement.
Concrètement, dans le cas de cette adoption, deux pères apparaissent sur les papiers. Le troisième n’a pas les mêmes droits (autorité parentale, décisions médicales, démarches administratives, etc.). En cas de séparation, cela fragilise la relation enfant-tiers parent si aucune mesure légale n’a été prévue. C’est précisément pour éviter ce « vide » que le trio milite pour la reconnaissance de trois parents.
Petit état des lieux au Canada
Le Canada n’avance pas partout au même rythme. Plusieurs provinces reconnaissent déjà plus de deux parents dans certains cas, via la loi ou la jurisprudence.
Province | Statut (2025) |
---|---|
Ontario | La loi All Families Are Equal Act (2016) permet jusqu’à quatre parents reconnus sans jugement préalable, si une entente préconception a été signée. |
Colombie-Britannique | La Family Law Act autorise la multiparentalité dans le cadre d’ententes de procréation; des décisions ont confirmé trois parents en pratique. |
Terre-Neuve-et-Labrador | En 2018, la cour a accepté l’inscription de trois parents sur l’acte de naissance d’un enfant élevé par un ménage polyamoureux. |
Québec | La Cour supérieure a jugé la limitation à deux parents inconstitutionnelle (avril 2025) mais le gouvernement a fait appel. Le droit applicable reste donc incertain à court terme. |
Ce que cela change pour les familles
Au quotidien
Quand la loi n’accorde pas le statut de parent au troisième adulte, celui-ci doit souvent passer par des mandats ou des procurations pour des démarches basiques : récupérer l’enfant à l’école, consentir à un soin, signer une autorisation. En cas de conflit ou de rupture, ces arrangements peuvent sauter, au détriment de la stabilité de l’enfant. C’est l’un des arguments mis en avant par les familles multiparentales.
Sur le plan juridique
La reconnaissance de trois (ou quatre) parents n’est pas un « blanc-seing ». Dans les provinces qui l’autorisent, elle est souvent encadrée par des ententes préconception ou par des décisions ciblées du tribunal, avec l’intérêt de l’enfant comme boussole. Ce cadre vise à limiter les risques de conflits et à clarifier qui fait quoi (responsabilités parentales, pensions, garde).