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Une BD de Spirou accusée de racisme

En septembre 2023, les Éditions Dupuis ont publié un nouvel album de la collection « Le Spirou de… », intitulé “Spirou et la Gorgone bleue”, scénarisé par Yann et illustré par Dany. Cependant, cet album a rapidement suscité la polémique en raison de certaines représentations caricaturales des personnages noirs qui, selon de nombreux internautes, rappellent des traits simiesques. Ce type de caricature, perçu comme offensant, a mené à une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, forçant la maison d’édition à retirer l’ouvrage de la vente.

Les réseaux sociaux ont amplifié cette polémique, certains utilisateurs dénonçant la représentation stéréotypée et raciste des personnages noirs. L’une des critiques les plus virales est venue d’une internaute sur TikTok, qui a posté une vidéo dénonçant l’album comme “la BD la plus raciste de 2024”, vue par des centaines de milliers de personnes. Selon elle, les traits caricaturaux des personnages noirs – lèvres surdimensionnées et mâchoires exagérées – les assimilent à des singes, contrairement aux personnages blancs qui sont immédiatement identifiables en tant qu’humains.

Face à la montée des critiques, les Éditions Dupuis ont publié un communiqué d’excuses sur leurs réseaux sociaux, précisant que le style de représentation utilisé dans l’album “s’inscrit dans une tradition de caricature datant d’une autre époque”. L’éditeur a également souligné sa volonté d’assumer la pleine responsabilité de ce choix éditorial, tout en s’engageant à prendre en compte les sensibilités contemporaines dans les prochaines publications.

Le dessinateur Dany (Daniel Henrotin) a également réagi aux critiques en expliquant son intention initiale. Il a confié avoir voulu adopter une approche « classique » de la caricature, inspirée par les albums de Spirou des années 1950. Pour lui, cette méthode ne visait pas à choquer ou blesser, mais à « exagérer les traits » de manière comique et universelle. Dans un entretien avec Le Parisien, il a déclaré :

Je suis désolé si j’ai pu offenser quelqu’un. Ce n’était pas mon intention, et je m’en excuse sincèrement.

« Spirou et la Gorgone bleue » fait partie de la série “Le Spirou de…”, une collection d’albums où des artistes invités réinterprètent l’univers de Spirou et Fantasio avec leur propre style. Bien que cet album ne s’intègre pas dans la série principale, il s’appuie sur l’univers de Spirou pour aborder des thématiques modernes, comme l’écologie. Cependant, en raison de son traitement visuel jugé offensant par une partie du public, l’album a rejoint la liste des œuvres controversées de la collection.

Ce n’est pas la première fois qu’une œuvre est critiquée pour des représentations stéréotypées. La caricature, par définition, consiste à exagérer certains traits pour accentuer une caractéristique et provoquer des réactions. Selon Jacques Sondron, dessinateur de presse, cette technique se base sur une tradition d’amplification graphique. Mais le style, autrefois largement accepté, rencontre aujourd’hui des limites dans un contexte où la société est plus sensible aux questions de représentation.

La polémique autour de “Spirou et la Gorgone bleue” pose la question de l’avenir de la caricature dans la bande dessinée. Les standards graphiques et narratifs évoluent pour correspondre à une vision plus respectueuse des diversités culturelles et raciales. Le débat actuel illustre bien la tension entre le respect des sensibilités modernes et la tradition humoristique de la caricature, héritée d’une époque moins sensible aux questions de diversité et d’inclusivité.

Les Éditions Dupuis, tout comme Dany, reconnaissent aujourd’hui la nécessité de cette adaptation, en tenant compte des attentes et valeurs contemporaines. La décision de retirer l’album de la vente est un acte fort, montrant une volonté d’assumer les responsabilités liées aux choix éditoriaux.

Dans une société en quête d’équité et de respect, les stéréotypes visuels peuvent avoir un impact profond sur l’opinion publique. Ce retrait de “Spirou et la Gorgone bleue” marque une prise de conscience pour les maisons d’édition, les artistes et les lecteurs. À l’avenir, cet épisode pourrait encourager les créateurs de bandes dessinées à réfléchir davantage aux implications de leurs choix artistiques et aux valeurs que leur art véhicule.