Même si 8 Français sur 10 privilégient aujourd’hui l’équilibre vie pro/vie perso, le chèque à la fin du mois reste le nerf de la guerre. Alors, comment parler argent sans passer pour un mercenaire ni se faire avoir ? Entre stratégie d’ancrage, timing parfait et pièges à éviter, voici tout ce qu’il faut savoir pour obtenir la rémunération que vous méritez.
1. L’enquête préliminaire : savoir ce que vous valez vraiment
N’arrivez jamais les mains dans les poches. Une négociation réussie se joue à 90 % avant même de franchir la porte de l’entreprise. Si vous donnez un chiffre au hasard, vous perdez toute crédibilité.
Analysez le marché (et oubliez les rumeurs)
Oubliez les bruits de couloir de votre ancienne école. Pour être pris au sérieux, vous devez vous baser sur des données tangibles. Consultez les études de rémunération publiées par les cabinets de recrutement (type Michael Page ou Hays), scannez les offres d’emploi similaires sur Hellowork ou APEC, et sollicitez votre réseau. Vous devez connaître la moyenne du marché pour votre poste, votre niveau d’expérience et votre région.
La règle des trois chiffres
Avant l’entretien, définissez clairement votre fenêtre de tir mentale :
- Le salaire plancher : Le montant en dessous duquel vous refusez le poste (votre « Walk-away point »).
- Le salaire cible : Le montant réaliste qui vous satisferait pleinement.
- Le salaire « de rêve » (ou plafond) : Une estimation haute, mais justifiable, qui servira de base de négociation.
C’est ici qu’intervient la stratégie de l’Anchoring (l’ancrage). Le premier chiffre annoncé sert de référence pour tout le reste de la discussion. Si vous connaissez votre valeur, c’est vous qui poserez cette ancre.
2. Le timing : quand dégainer la question argent ?
La patience est une vertu, surtout en négociation. La règle d’or est simple : laissez le recruteur aborder le sujet en premier. Si vous parlez argent dès les cinq premières minutes, vous risquez de passer pour quelqu’un d’impatient ou uniquement motivé par le gain.
Si vous passez par un cabinet de recrutement, la question sera souvent traitée dès le premier appel pour valider que vous rentrez dans le budget. En revanche, avec l’entreprise finale, attendez. L’idéal est d’aborder le sujet lors du deuxième entretien, une fois que vous avez démontré votre valeur et que le recruteur est séduit par votre profil. C’est à ce moment-là que le rapport de force s’équilibre.
« Chaque candidat a une valeur. La question à se poser, c’est : que peut-on apporter à l’entreprise en termes de compétences et de projets ? C’est ce qu’il faut valoriser avant de parler chiffres. » — Pierre Audierne, DRH.
Et si le recruteur ne dit rien ? Ne partez pas sans savoir. En fin de processus, demandez simplement : « Pourriez-vous me donner une idée de la fourchette de rémunération prévue pour ce poste ? ». Cela montre que vous êtes professionnel et que vous connaissez les enjeux.
3. L’argumentaire : prouvez, ne réclamez pas
Une fois le sujet sur la table, il ne s’agit pas de « demander » une augmentation, mais de justifier un investissement. Le recruteur n’achète pas votre diplôme, il achète des résultats.
Des faits, pas des buzzwords
Soyez concret. Au lieu de dire que vous êtes un « expert en management participatif », racontez une histoire précise. Parlez de ce projet où vous avez géré une équipe de 10 personnes, des obstacles surmontés et du chiffre d’affaires généré. Chiffrez vos réussites passées (augmentation des ventes de 20 %, réduction des coûts, etc.). C’est ce qui rend votre prétention salariale légitime aux yeux de l’employeur.
Brut ou Net ? Ne vous trompez pas de langue
C’est une erreur classique des juniors : on négocie toujours en salaire brut annuel (ou mensuel selon les conventions), jamais en net. Les recruteurs raisonnent en « coût chargé » et en brut. Si vous parlez en net, vous risquez un quiproquo désagréable à la signature du contrat.
4. Le « Package » : voir au-delà du salaire fixe
Le salaire fixe n’est que la partie visible de l’iceberg. Si l’entreprise ne peut pas s’aligner sur votre demande salariale (grilles bloquées, budget serré), ne fermez pas la porte. Négociez le « package » global. Voici ce qui peut peser dans la balance :
| Type de rémunération | Éléments à négocier | Pourquoi c’est important |
|---|---|---|
| Le Fixe | Salaire de base brut | C’est votre sécurité mensuelle et la base de calcul pour le chômage/retraite. |
| Le Variable | Primes sur objectifs, 13ème mois, Participation, Intéressement | Peut représenter plusieurs mois de salaire supplémentaires si l’entreprise performe. |
| Les Avantages (Perks) | Télétravail, voiture de fonction, mutuelle, congés supplémentaires | Améliore votre qualité de vie et votre pouvoir d’achat « indirect ». |
Une technique efficace suggérée par les experts consiste à négocier une clause de revoyure : « J’accepte ce salaire de départ, mais je souhaite que nous refassions un point dans 6 mois. Si les objectifs X et Y sont atteints, nous revaloriserons ma rémunération de Z %. »
5. Les pièges à éviter absolument
La ligne est fine entre être un bon négociateur et devenir un candidat repoussoir. Voici les erreurs fatales :
- Mentir sur son salaire actuel : Le monde est petit, les RH se parlent. Si l’on découvre le mensonge, la confiance est rompue définitivement.
- Se braquer ou devenir émotif : La négociation n’est pas un conflit, c’est un échange commercial. Restez cordial, ouvert et professionnel, même face à un refus.
- Donner un chiffre unique et ferme : Privilégiez toujours une fourchette (ex : « entre 38k et 42k »). Cela laisse une marge de manœuvre au recruteur pour vous faire une offre.
- Ultimatums : « C’est ça ou rien » fonctionne rarement, sauf si vous êtes prêt à perdre le poste.
Rappelez-vous qu’un recrutement est un mariage professionnel. Vous devez donner envie à l’autre de travailler avec vous, pas lui donner l’impression qu’il vient de se faire extorquer.
















