Le cadre légal, en deux idées clés
En France, un licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Il doit aussi respecter une procédure prévue par le Code du travail (convocation, entretien préalable, notification écrite, délais). À défaut, le licenciement peut être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse (souvent appelé « abusif » dans le langage courant).
Ce que recouvre “cause réelle et sérieuse”
- Réelle : des faits objectifs, vérifiables, précis.
- Sérieuse : une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat.
Les deux grandes familles de licenciement
On distingue deux catégories principales : le licenciement pour motif personnel (lié au salarié) et le licenciement pour motif économique (lié à l’entreprise). S’y ajoute la question du licenciement abusif quand le motif ou la procédure ne tiennent pas juridiquement.
1) Le licenciement pour motif personnel
Le motif personnel est lié à la personne du salarié : comportement, résultats, aptitude, santé (via un avis médical d’inaptitude). Plusieurs cas typiques :
Faute simple, faute grave, faute lourde
- Faute simple : manquement aux obligations (retards répétés, négligences, non-respect des consignes). Elle peut justifier un licenciement tout en laissant, en principe, préavis et indemnités (selon l’ancienneté et la convention collective).
- Faute grave : les faits rendent impossible le maintien du salarié pendant le préavis (ex. indiscipline majeure, violences, vol). En général, pas de préavis ni d’indemnité de licenciement (l’indemnité de congés payés reste due).
- Faute lourde : faute d’une gravité exceptionnelle avec intention de nuire à l’employeur (ex. sabotage, détournement volontaire). Comme pour la faute grave, pas de préavis ni d’indemnité de licenciement.
Insuffisance professionnelle
On parle d’insuffisance professionnelle quand le salarié ne parvient pas à atteindre le niveau attendu, indépendamment de toute mauvaise volonté. Il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire. L’employeur doit pouvoir démontrer des faits concrets et répétés : objectifs non atteints, erreurs récurrentes malgré l’accompagnement, etc.
Inaptitude médicale
L’inaptitude est constatée par le médecin du travail. Avant d’envisager le licenciement, l’employeur doit chercher un reclassement compatible avec les recommandations médicales. Si le reclassement s’avère impossible (ou si l’avis médical l’écarte), le licenciement pour inaptitude peut intervenir. Les indemnités diffèrent selon l’origine de l’inaptitude (professionnelle ou non professionnelle).
2) Le licenciement pour motif économique
Le motif économique est étranger à la personne du salarié. Il découle de difficultés économiques, mutations technologiques, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, cessation d’activité… Il peut être individuel ou collectif.
Obligations spécifiques
- Reclassement : rechercher, de bonne foi, des postes disponibles adaptés au profil, dans l’entreprise et parfois dans le groupe.
- Information/consultation : selon la taille et la situation, consultation du CSE et respect d’étapes formelles.
- Mesures d’accompagnement : par exemple le Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dans certaines entreprises.
Quand parle-t-on de licenciement abusif ?
On parle de licenciement sans cause réelle et sérieuse quand le motif ne tient pas ou quand la procédure n’a pas été respectée. Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes. Selon la décision, il peut obtenir des dommages et intérêts. La réintégration existe mais reste rare en pratique.
La procédure de licenciement, étape par étape
La procédure varie selon le motif, mais on retrouve un squelette commun. Le non-respect de ces étapes peut fragiliser la rupture :
- Convocation à l’entretien préalable (lettre recommandée ou remise en main propre). La convocation indique l’objet, la date, l’heure, le lieu, ainsi que la possibilité de se faire assister.
- Entretien préalable : l’employeur expose les raisons envisagées, écoute les explications du salarié, répond aux questions. Ce moment est essentiel pour comprendre et, si possible, corriger des malentendus.
- Réflexion : un délai minimum légal sépare généralement l’entretien et la décision. Il évite les décisions hâtives.
- Notification du licenciement : par lettre motivée, envoyée dans les formes requises. Les faits reprochés doivent être clairs, précis, vérifiables.
- Préavis (sauf exceptions) : en cas de faute grave ou lourde, pas de préavis. En inaptitude, le régime diffère. L’employeur peut aussi dispenser le salarié d’exécuter le préavis, avec versement d’une indemnité compensatrice si due.
- Fin de contrat : remise des documents (certificat de travail, attestation d’assurance chômage, reçu pour solde de tout compte) et paiement des sommes dues.
Tableau récapitulatif : motifs, procédure, droits
Type de licenciement | Motif typique | Procédure clé | Préavis | Indemnité de licenciement | Points d’attention |
---|---|---|---|---|---|
Personnel – faute simple | Manquements répétés, négligences | Convocation, entretien, lettre motivée | Oui (sauf dispense rémunérée) | Oui si conditions d’ancienneté | Faits précis et datés à démontrer |
Personnel – faute grave | Violences, vol, insubordination majeure | Disciplinaire strict, délais à respecter | Non | Non (congés payés dus) | Gravité rendant le maintien impossible |
Personnel – faute lourde | Intention de nuire (sabotage, détournement) | Disciplinaire renforcé | Non | Non (congés payés dus) | Preuve de l’intention nécessaire |
Personnel – insuffisance pro | Objectifs manqués, erreurs récurrentes | Évaluations, preuves, lettre motivée | Oui (sauf dispense) | Oui si conditions d’ancienneté | Pas une sanction, mais des faits concrets |
Personnel – inaptitude | Inaptitude constatée par le médecin du travail | Recherche de reclassement préalable | Régime spécifique | Oui (montant variant selon l’origine) | Respect strict de l’avis médical |
Économique | Difficultés, mutations techno, réorganisation | Reclassement, info/consultation, lettre motivée | Oui (sauf cas particuliers) | Oui si conditions d’ancienneté | Possibles mesures : CSP, priorités de réembauche |
Sans cause réelle et sérieuse | Motif non prouvé ou procédure défaillante | Contentieux prud’homal | — | Dommages et intérêts (selon le cas) | Risque financier et d’image pour l’employeur |
Droits et indemnités : l’essentiel à retenir
- Indemnité légale de licenciement : versée sous conditions d’ancienneté minimale, sauf en cas de faute grave ou lourde. Les conventions collectives peuvent prévoir mieux.
- Indemnité compensatrice de préavis : due si le préavis n’est pas effectué du fait de l’employeur (hors faute grave/lourde).
- Indemnité compensatrice de congés payés : due pour les congés acquis non pris, quelle que soit la cause de la rupture.
- Allocations chômage : possibles sous conditions (inscription à France Travail, ex-Pôle emploi, etc.).
Licenciement économique : zoom sur le CSP et le reclassement
Le Contrat de sécurisation professionnelle (CSP) peut être proposé dans certaines entreprises afin d’accélérer le retour à l’emploi (accompagnement, formation, allocation spécifique). Il suppose l’acceptation du salarié et remplace alors le préavis. Parallèlement, l’employeur doit mener une recherche active de reclassement (mêmes critères de rémunération, niveau de qualification, périmètre de recherche selon l’organisation).
Licenciement économique collectif
En cas de suppressions multiples de postes, s’ajoutent des obligations de concertation et, selon les seuils, la mise en place d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) comprenant des mesures d’accompagnement (mobilité, formation, aide à la création d’activité, etc.).
Contester un licenciement : comment et quand ?
Le salarié peut saisir le Conseil de prud’hommes s’il estime que le motif est insuffisant ou que la procédure est irrégulière. L’action se fait dans un délai de prescription qui, pour la contestation du licenciement, est généralement de 12 mois à compter de la notification. La juridiction peut allouer des dommages et intérêts et, dans certains cas, proposer la réintégration si les deux parties l’acceptent.
Conseils pratiques pour ne pas te perdre
- Garde tous les documents (convocation, comptes rendus, courriels, évaluations, lettre de licenciement).
- Note des faits datés (exemples concrets, objectifs fixés, formations suivies).
- Rapproche-toi d’un syndicat, d’un conseiller du salarié, d’un avocat ou d’une Maison de la Justice et du Droit pour un premier avis gratuit.
« Un licenciement se prépare et se justifie. Sans faits objectifs et sans procédure régulière, il s’expose à une requalification et à des indemnisations importantes. »
Exemples concrets pour se repérer vite
- Retards récurrents malgré avertissements → possible faute simple. Vérifier le dossier disciplinaire, les preuves, et les propositions d’amélioration.
- Vol en caisse → possible faute grave (voire lourde si intention de nuire prouvée). Procédure stricte et rapide.
- Objectifs non atteints depuis des mois malgré accompagnement → insuffisance professionnelle. Nécessité d’éléments factuels (tableaux, évaluations, plans d’action).
- Alerte médicale puis inaptitude déclarée par le médecin du travail → recherche de reclassement avant toute rupture.
- Baisse d’activité structurelle → économique. Piste de reclassement, mesures d’accompagnement, lettre motivée sur les raisons économiques.
Checklist express (côté salarié)
- Le motif est-il réel, sérieux, documenté ?
- La procédure a-t-elle été respectée (convocation, entretien, lettre motivée) ?
- Ai-je vérifié mes droits à indemnités (légales, conventionnelles) et mes droits au chômage ?
- Le délai de contestation court-il toujours (en principe 12 mois) ?
A retenir
En France, les différents types de licenciement s’organisent autour de deux axes : personnel (faute, insuffisance, inaptitude) et économique (difficultés ou réorganisation). Chaque cas suppose une motivation solide et une procédure rigoureuse. Comprendre ces bases aide à se défendre, à anticiper un entretien, à lire une lettre de notification, et à activer, si besoin, les recours adaptés.