La rentrée 2024 marque un tournant pour l’apprentissage en France, avec une diminution notable du nombre d’apprentis. Après six années de croissance continue, la Dares (service statistique du ministère du Travail) rapporte une chute de 1,4 % des contrats d’apprentissage, une première depuis la réforme de 2018.
La réforme de 2018 et son impact sur l’apprentissage
En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a considérablement transformé l’apprentissage. Cette réforme a élargi les critères d’éligibilité pour l’apprentissage, notamment en relevant l’âge limite de 26 à 29 ans, et en garantissant une rémunération au moins égale au SMIC pour les apprentis âgés de 26 ans et plus. Grâce à ces mesures, l’apprentissage a gagné en attractivité, attirant de nombreux jeunes vers cette voie de formation professionnelle.
Cependant, les récentes statistiques montrent un changement de tendance. Alors que les réformes et aides financières avaient dynamisé le secteur, de nouveaux facteurs économiques semblent freiner cette croissance.
Analyse des effectifs en apprentissage
À la fin de l’été 2024, la Dares indique que 839 400 personnes ont signé un contrat d’apprentissage avec une entreprise. Dans le secteur de l’enseignement secondaire, le recul est particulièrement notable, avec une baisse de 2,3 % des effectifs. Ce secteur regroupe notamment les jeunes en CAP et les étudiants préparant un baccalauréat professionnel, des formations traditionnellement attractives pour les jeunes cherchant une insertion rapide sur le marché du travail.
Dans l’enseignement supérieur, qui inclut les formations du BTS au master, la baisse est plus modérée, atteignant seulement 0,9 %. Les formations post-bac en alternance restent très demandées, mais le ralentissement de leur croissance laisse entrevoir un impact des récentes décisions budgétaires et des fluctuations économiques.
Les chiffres contrastés de 2024
Si les chiffres globaux montrent une baisse par rapport à 2023, le nombre de nouveaux contrats signés depuis le début de l’année 2024 reste en légère hausse, avec 251 900 contrats d’apprentissage initiés depuis janvier, soit une augmentation de 1,9 %. Cette croissance s’observe aussi bien dans le secteur privé, avec une hausse de 1,7 %, que dans le secteur public, où l’augmentation est plus marquée (+10,6 %).
Ce contraste pourrait refléter une dynamique en début d’année, alors que les premières coupes budgétaires commençaient à peine à se faire sentir. Les effets des restrictions budgétaires pourraient se traduire par une diminution plus marquée en fin d’année.
L’impact des coupes budgétaires
Les contrats de professionnalisation, autre voie d’alternance, enregistrent une baisse beaucoup plus prononcée que les contrats d’apprentissage. Fin août 2024, 45 700 contrats de professionnalisation ont été signés depuis janvier, soit une diminution de 21,2 % en comparaison avec l’année précédente. Par ailleurs, on comptabilise 71 400 personnes en contrat de professionnalisation, soit un effectif en baisse de 18,2 % par rapport à la même période en 2023.
Cette forte diminution s’explique en partie par la suppression, au 1er mai 2024, de l’aide de 6 000 euros destinée à soutenir l’embauche d’apprentis en contrat de professionnalisation. Cette décision fait partie des mesures d’économies budgétaires prises par le gouvernement pour réduire le déficit. En l’absence de cette aide, les entreprises se montrent moins enclines à embaucher sous cette forme d’alternance, préférant reporter les recrutements ou limiter les effectifs de contrats en alternance.
Les perspectives pour 2025
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement envisage de nouvelles restrictions sur les aides financières accordées aux contrats d’apprentissage, en particulier pour les étudiants au niveau bac+3 et plus. Cette mesure, si elle est adoptée, pourrait avoir des conséquences significatives pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.
L’évolution des aides publiques à l’apprentissage et à la professionnalisation soulève des inquiétudes tant chez les étudiants que chez les entreprises. En effet, ces aides permettent d’alléger les charges pour les entreprises et encouragent l’embauche d’alternants. La suppression partielle ou totale de ces aides pourrait entraîner une baisse des contrats d’apprentissage dans les années à venir, notamment pour les niveaux post-bac.
Pourquoi les aides à l’alternance sont cruciales pour les entreprises et les jeunes ?
Les dispositifs d’aide ont joué un rôle central dans le succès de l’apprentissage ces dernières années, surtout dans le contexte post-pandémique. Ils ont permis aux jeunes de s’insérer dans le marché du travail en alternant entre entreprise et études, offrant ainsi une première expérience professionnelle précieuse.
Pour les entreprises, l’alternance représente un moyen de former des futurs collaborateurs en adaptant leurs compétences aux besoins spécifiques du marché. En réduisant le coût de l’embauche pour l’entreprise, les aides publiques à l’alternance favorisent un équilibre entre offre et demande, stimulant l’emploi des jeunes.
La diminution du nombre d’apprentis en 2024 et la baisse encore plus marquée des contrats de professionnalisation mettent en lumière les fragilités du système de financement de l’alternance. Si les aides venaient à être davantage réduites, cela pourrait affecter l’attractivité de l’apprentissage et freiner les ambitions des jeunes désireux d’acquérir une expérience en entreprise dès leur formation.