Un braquage historique aux neuf statuettes
On savait que le titre avait du potentiel, mais personne n’avait anticipé un tel raz-de-marée. Nommé dans onze catégories, Clair Obscur est reparti avec neuf trophées, établissant un nouveau record absolu pour la cérémonie américaine. Le RPG français a éclipsé la concurrence en s’imposant non seulement comme le meilleur jeu indépendant, mais aussi en dominant les catégories techniques et artistiques :
- Meilleure direction artistique
- Meilleure narration
- Meilleure bande-son (composée par Lorien Testard)
- Meilleur jeu de rôle
Ce triomphe est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit de la toute première production de Sandfall Interactive. Une petite équipe d’une trentaine de personnes a réussi à battre les mastodontes de l’industrie, prouvant qu’une vision artistique forte pèse plus lourd que des budgets marketing illimités.
Marinières, bérets et larmes de joie
L’image de la soirée restera sans doute la montée sur scène de l’équipe. Jouant la carte du cliché à fond, Guillaume Broche, le directeur du jeu, et son équipe ont débarqué au Peacock Theater vêtus de marinières et de bérets rouges. Un clin d’œil assumé à l’un des costumes des héros du jeu.
C’était supposé être une blague… Vous avez changé nos vies et celle de notre studio, c’est vraiment merveilleux.
L’émotion était palpable pour ces créateurs qui, pour beaucoup, signaient ici leur tout premier jeu vidéo. Le symbole était d’autant plus fort que le prix a été remis par Nicolas Doucet, un autre Français (Team Asobi), vainqueur l’an dernier. La France s’impose donc deux années de suite comme une terre majeure de création vidéoludique.
Le pari fou d’un Paris post-apocalyptique

Mais qu’est-ce qui a séduit le monde entier ? Clair Obscur : Expedition 33 est un RPG au tour par tour, un genre pourtant jugé « de niche ». L’histoire plonge les joueurs dans un univers inspiré du Paris de la Belle Époque, mais dans une version sombre et fantastique. Une entité surnaturelle, la Peintresse, se réveille chaque année pour peindre un nombre maudit qui réduit l’espérance de vie des humains.
Avec un budget estimé à 20 millions d’euros — une somme dérisoire face aux 200 millions des blockbusters américains — le jeu a misé sur une direction artistique léchée et un gameplay exigeant. Le pari est gagnant : sorti en avril 2025, le titre s’est déjà écoulé à plus de 5 millions d’exemplaires. Pour remercier la communauté, Guillaume Broche a d’ailleurs annoncé en direct une mise à jour de contenu gratuite.
Montpellier, la Silicon Valley du jeu vidéo français
Ce succès met aussi en lumière l’écosystème incroyable de Montpellier. La ville, où Ubisoft a posé ses valises en 1994, est devenue une véritable pépinière de talents. Sandfall Interactive a été fondé en 2020 par des anciens d’Ubisoft (Guillaume Broche, Tom Guillermin et François Meurisse) qui voulaient retrouver une échelle humaine de production.
Après les succès de studios locaux comme Blue Twelve (Stray) ou DigixArt (Road 96), cette victoire confirme que l’Hérault est l’un des cœurs battants de la créativité numérique mondiale. Emmanuel Macron avait d’ailleurs salué l’audace du studio en mai dernier, parlant de « créativité à la française ». Aujourd’hui, c’est toute l’industrie qui s’incline.







