Aux origines du bikini body
Le bikini, lui, existe depuis 1946. Imaginé par Louis Réard, ingénieur automobile français, ce maillot deux-pièces provoque un scandale avant de devenir incontournable. Mais le bikini body, lui, naît bien plus tard. Dans les années 60, une chaîne américaine de salons d’amaigrissement, Slenderella International, lance une campagne publicitaire promettant un corps « prêt pour le bikini » : poitrine ferme, taille de guêpe, jambes fines.
« Une poitrine relevée, une taille de guêpe, des jambes gracieuses… Un corps prêt pour le bikini ! » — slogan de Slenderella International
Ce slogan, repris par les magazines et les marques, s’installe durablement dans l’imaginaire collectif. Le corps n’est plus seulement un corps, il doit devenir un produit conforme à un modèle unique.
Un idéal sexiste et irréaliste
Le bikini body impose des normes précises, surtout aux femmes : minceur, courbes « là où il faut », absence de cellulite. Les hommes ne sont pas totalement épargnés : tablettes de chocolat, muscles saillants, silhouette athlétique. Mais la pression reste beaucoup plus forte pour les femmes, constamment renvoyées à leur apparence.
Cette injonction entraîne une spirale de comparaisons, de régimes express et de complexes. Selon une étude de la NEDA (National Eating Disorders Association), des millions de jeunes développent des troubles alimentaires, parfois dès 12 ans. Les réseaux sociaux accentuent encore le phénomène, bombardant les utilisateurs d’images retouchées ou filtrées.
Un concept devenu business
Le bikini body n’est pas qu’une idée : c’est un marché. Magazines, coachs sportifs, marques de cosmétiques et influenceurs capitalisent dessus. Chaque été, les « programmes minceur » ou « challenges bikini body » envahissent la publicité. L’idée est simple : vendre la promesse d’un corps conforme. Résultat : un cercle vicieux où l’estime de soi s’effondre, et où les produits se vendent mieux.
En 2017, le ministère de la Santé en France a imposé l’obligation de mentionner « photographie retouchée » sur les publicités. Objectif : réduire la diffusion d’idéaux inatteignables. Mais sur Instagram, TikTok ou YouTube, rien n’encadre vraiment l’usage des filtres ou des retouches. Les jeunes, principaux utilisateurs, restent donc exposés à une réalité biaisée.
Quand la tyrannie du bikini body s’installe
Le problème du bikini body, c’est qu’il se présente comme universel. Or, la diversité des morphologies est énorme. Pourtant, celles qui ne correspondent pas au modèle dominant se sentent exclues. Résultat : baisse de confiance, honte, voire isolement social. Beaucoup évitent la plage ou la piscine, non par manque d’envie, mais par peur du regard des autres.
Une enquête récente révèle que 60 % des Français considèrent le terme « summer body » comme négatif. Plus inquiétant : 30 % déclarent ressentir des idées plus sombres en lien avec la pression de l’apparence pendant l’été. Le diktat du corps parfait dépasse donc la simple question esthétique, il touche directement à la santé mentale.
Body positivisme : une alternative nécessaire
Face à cette tyrannie, un mouvement gagne en force : le body positivisme. Né dans les années 90, popularisé dans les années 2010, il prône l’acceptation de soi et la célébration de toutes les formes de corps. Sur Instagram, le hashtag #BodyPositive compte des millions de publications. Célébrités, influenceurs et anonymes affichent leurs corps tels qu’ils sont : avec des vergetures, de la cellulite, des bourrelets ou des cicatrices.
« Tu veux un bikini body ? Enfile un bikini. » — devise du mouvement body positive
Ce message, simple mais puissant, redonne du pouvoir aux individus. Il rappelle que la beauté n’a jamais été unique ni universelle. Elle a toujours varié selon les époques et les cultures.
Des standards qui changent au fil du temps
Le bikini body n’est que le dernier avatar d’une longue série de normes corporelles. Dans la préhistoire, les corps féminins ronds symbolisaient la fécondité. Dans l’Antiquité, on valorisait les silhouettes élancées en Égypte, athlétiques en Grèce. Au Moyen-Âge, on préférait la minceur et la pâleur. À la Renaissance, les formes plus généreuses revenaient à la mode. Au 20e siècle, Hollywood imposait la pin-up, puis la mannequin filiforme.
Autrement dit : ce qui est « beau » change tout le temps. Ce qui était considéré comme idéal hier devient dépassé demain. Le bikini body n’est donc pas une vérité absolue, mais une construction temporaire. Pourquoi alors sacrifier sa santé pour courir après une norme éphémère ?
Les réseaux sociaux, entre danger et libération
Instagram et TikTok sont des armes à double tranchant. D’un côté, ils amplifient le culte du bikini body en exposant des corps « parfaits » retouchés. De l’autre, ils offrent aussi une tribune aux mouvements positifs. De nombreux créateurs refusent les filtres, montrent leurs corps réels, et incitent à l’acceptation de soi. Ces contre-discours jouent un rôle essentiel, surtout pour les jeunes qui se construisent dans un monde saturé d’images.
Sortir de la tyrannie du bikini body
Se libérer du bikini body, c’est comprendre que tous les corps sont valides. Porter un maillot de bain n’est pas un examen à passer. C’est une tenue pour profiter de la mer, du soleil et des vacances. Personne n’a à mériter son bikini.
Pour avancer, il est utile de multiplier les représentations : montrer des corps différents, visibiliser les diversités de genre, de morphologie, de couleur de peau. Et surtout, rappeler que le bonheur ne se mesure pas à la taille d’un jean ni au nombre d’abdos visibles.
« Feeling beautiful has nothing to do with what you look like. » — Emma Stone
Cette phrase résume l’essentiel : la beauté ne devrait pas être un carcan. Elle se vit, se ressent, bien au-delà d’un bikini.