La Sacem face aux plateformes IA

Avec l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative dans la musique, un nouveau bras de fer s’engage entre les créateurs et les algorithmes. La Sacem, pilier français de la gestion des droits d’auteur, entend mettre de l’ordre dans un secteur qui échappe encore à toute régulation solide. Au cœur des discussions : la mise en place de licences obligatoires pour les plateformes d’IA musicale.
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Les IA musicales dans le viseur de la Sacem

Des plateformes comme Udio ou Suno s’appuient sur des milliards de données sonores pour entraîner leurs modèles. Le problème ? Une large partie de ces contenus est protégée par le droit d’auteur. Aujourd’hui, aucune rémunération directe n’est prévue pour les auteurs, compositeurs ou éditeurs dont les œuvres ont servi à nourrir ces intelligences.

Cécile Rap-Veber, directrice générale de la Sacem, veut inverser la tendance. Pour elle, il est urgent d’imposer un cadre juridique équivalent à celui qui a été instauré avec des acteurs comme Spotify ou Deezer. Ces plateformes paient des droits via des licences négociées, un modèle que l’organisme français souhaite désormais appliquer aux géants de l’IA.

Un modèle de licence calqué sur le streaming

La proposition est simple : forcer les entreprises d’IA à signer des accords de licence avec la Sacem. En clair, toute IA utilisant de la musique protégée pour entraîner ses algorithmes devrait reverser une part de son chiffre d’affaires aux ayants droit.

Ce système, qui a fait ses preuves dans le streaming, permettrait aux artistes de retrouver une forme de souveraineté sur leurs œuvres, tout en assurant une redistribution financière équitable. Des discussions ont déjà été entamées avec certains acteurs du secteur, bien que leurs noms ne soient pas encore publics.

Des artistes en colère face au silence juridique

Du côté des créateurs, la colère monte. Beaucoup estiment que leurs morceaux sont utilisés sans autorisation ni compensation. Le sentiment d’être dépossédés au profit d’outils automatisés alimente une mobilisation croissante. Des figures emblématiques du monde de la musique ont déjà exprimé leur inquiétude face à l’absence de cadre clair.

Les majors, elles aussi, ne comptent pas laisser passer ce qu’elles perçoivent comme un détournement de leurs catalogues. Si aucune régulation n’intervient rapidement, les IA musicales continueront d’exploiter des contenus protégés sans redevances ni garde-fous.

L’Europe tente d’encadrer pendant que d’autres dérégulent

Alors que la France et d’autres pays européens souhaitent poser des balises solides, d’autres nations optent pour l’effet inverse. Les États-Unis et le Royaume-Uni encouragent au contraire une déréglementation, misant sur une croissance rapide de l’intelligence artificielle au détriment des protections existantes.

À Londres, le gouvernement a même lancé une consultation publique pour modifier sa loi sur la propriété intellectuelle. Cette initiative, perçue comme un danger par de nombreux artistes, a provoqué des réactions virulentes. Elton John fait partie de ceux qui ont exprimé un rejet total de cette réforme.

Un enjeu culturel et économique de taille

Derrière cette bataille juridique, c’est tout un modèle économique qui est en jeu. Si l’IA générative musicale continue à prospérer sans obligations légales, une partie essentielle de la création musicale contemporaine pourrait perdre son financement naturel. Et avec lui, une diversité artistique déjà fragilisée par les algorithmes de recommandation.

Pour la Sacem, le défi est clair : il faut créer un cadre solide avant que l’IA musicale ne devienne une jungle incontrôlable. Le dialogue reste ouvert, mais la pression des artistes et des éditeurs pourrait rapidement transformer ces discussions en bataille juridique internationale.

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