Cette réglementation répond à une demande de longue date des associations de protection de l’enfance. Selon l’Arcom, 2,3 millions de mineurs consultent des sites pornographiques chaque année en France, soulignant l’urgence d’une telle mesure. Les plateformes visées sont principalement celles ayant les plus fortes audiences et représentant un risque majeur pour les jeunes.
Comment fonctionne la vérification d’âge ?
Les éditeurs de sites doivent désormais mettre en place des systèmes permettant de prouver l’âge de leurs utilisateurs sans compromettre leur anonymat. Le « double anonymat » permet de vérifier la majorité grâce à un document d’identité ou une carte bancaire, sans que l’identité réelle ne soit divulguée au site consulté.
De nombreuses start-up, comme la française IDxLab avec sa solution « Anonymage », proposent des outils permettant cette vérification. L’utilisateur télécharge une preuve d’identité sur une application, et le site reçoit uniquement une confirmation de l’âge, sans autre information personnelle.
Bien que la loi soit officiellement en vigueur, la procédure de blocage d’un site non conforme peut prendre plusieurs mois. Une tolérance est accordée jusqu’au 11 avril aux sites qui utilisent déjà une identification par carte bancaire, mais ils devront également adopter une solution de double anonymat d’ici cette date.
Pour les sites basés dans d’autres pays européens, le processus est plus long. L’Arcom doit notifier les autorités des pays concernés avant de pouvoir envisager un blocage. Toutefois, ces plateformes seront également contraintes de se conformer à la législation française à terme.
La mise en place de ces mesures a un impact direct sur la fréquentation des sites. Selon Jérôme, responsable du site français Tukif, qui respecte déjà cette réglementation, moins de 5 % des utilisateurs complètent le processus de vérification d’âge. Il déplore un effet dissuasif qui pousse les utilisateurs vers des plateformes non réglementées ou des réseaux sociaux comme X et Reddit, échappant à cette législation.
En plus des défis techniques, les coûts de ces systèmes de vérification sont considérables, estimés à 1 ou 2 centimes par visiteur. Ces contraintes économiques pèsent particulièrement sur les sites gratuits, souvent désignés comme « tubes ».
Malgré cette avancée, des moyens de contournement, comme l’utilisation de VPN, permettent aux utilisateurs d’accéder aux sites bloqués. Ces outils anonymisent la connexion et permettent de simuler une localisation dans un autre pays, échappant ainsi aux restrictions françaises.
Jacky Lamraoui, d’IDxLab, souligne que cette faille constitue un « véritable trou dans la raquette », limitant l’efficacité de la mesure. Aux États-Unis, où des restrictions similaires ont été imposées, des pics d’utilisation de VPN ont été enregistrés, ce qui pourrait également être observé en France.
Aylo, la maison mère des géants Pornhub et Brazzers, basée à Chypre, s’est déclarée « consciente de la nouvelle règle » tout en critiquant son efficacité et ses conséquences potentielles sur la vie privée des utilisateurs. Ces entreprises dénoncent un risque accru pour la sécurité des données personnelles en raison des informations sensibles exigées.
Cette régulation marque une étape importante dans la protection des mineurs face à l’exposition à des contenus inappropriés. Cependant, son impact à long terme sur les pratiques des utilisateurs et sur la rentabilité des plateformes reste incertain.