Deux poids, deux mesures ? Les lycées musulmans face à l’État

Depuis 2023, deux lycées privés musulmans ont vu leur contrat d’association avec l’État rompu : le groupe scolaire Al-Kindi près de Lyon, et le lycée Averroès à Lille. Une décision rare, car en près de trente ans, aucun établissement privé n’avait été autant sanctionné par les autorités.
Lycée averroes

Des établissements musulmans plus contrôlés que les autres

Le cas du lycée Al-Kindi a été justifié par la préfecture par des propos jugés contraires aux valeurs de la République, un règlement interne jugé discriminant envers les filles, et la présence de livres d’auteurs réputés « radicaux ». Malgré 100 % de réussite au bac, le contrat a été annulé.

Le lycée Averroès, lui aussi performant sur le plan scolaire, a fait l’objet de 14 contrôles en quelques années. L’Inspection générale avait pourtant rendu un rapport favorable en 2020. Pour Makhlouf Mamèche, responsable de la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman, tous les établissements musulmans sont contrôlés chaque année, une fréquence bien plus élevée que dans les autres réseaux.

Des établissements catholiques très peu inquiétés

À l’opposé, les établissements catholiques semblent bénéficier d’un traitement plus souple. Un rapport de la Cour des comptes en 2023 a pointé une surveillance « minimaliste » du système privé catholique, majoritaire parmi les établissements sous contrat.

Des cas graves comme celui du collège Stanislas à Paris, malgré des plaintes pour discriminations homophobes et un rapport accablant, n’ont pas conduit à une rupture du contrat. La haute administration a même défendu l’établissement, évoquant un climat éducatif « exigeant et rigoureux ».

D’autres exemples comme Notre-Dame-de-Bétharram (plus de 200 plaintes pour abus sexuels) ou l’Immaculée-Conception à Pau (signalements multiples pour atteintes à la laïcité) n’ont jamais été sanctionnés par une rupture de contrat non plus.

Des établissements juifs quasiment à l’abri

Les établissements juifs, quant à eux, ont longtemps été très peu contrôlés. Une étude de Martine Cohen a révélé que près de 90 % d’entre eux enfreignaient les règles du contrat d’association, notamment en demandant des preuves de judéité pour inscrire des élèves.

Bernard Toulemonde, ancien haut fonctionnaire de l’Éducation nationale, affirme même qu’aucune inspection administrative n’était autorisée dans les écoles juives dans les années 2000, et que la situation a peu changé depuis. Le contrôle se limitait aux aspects pédagogiques, selon lui.

Un sentiment d’injustice généralisé

Face à cette situation, de nombreux établissements musulmans se disent découragés. Ils ne déposent même plus de demande de contrat d’association avec l’État, estimant que l’enseignement musulman n’est pas considéré comme légitime en France.

Pour de nombreux observateurs et élus, le traitement différencié entre établissements musulmans, catholiques et juifs est devenu un sujet politique majeur. La justice a récemment donné raison au lycée Averroès, estimant qu’aucun manquement grave ne justifiait la résiliation du contrat, relançant le débat sur l’égalité de traitement dans l’enseignement privé.

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