Un fort qui s’affaisse lentement
Bâti au XIXe siècle pour défendre l’estuaire de la Charente, Fort Boyard montre aujourd’hui des signes inquiétants d’instabilité. Les fissures se multiplient sur les murs, les fondations s’affaissent, et les protections historiques n’ont pas résisté aux assauts répétés des tempêtes. Les experts du département affirment que l’intégrité du bâtiment est directement menacée.
« Si on ne fait rien, il finira par s’écrouler », a alerté Sylvie Marcilly, présidente du département de la Charente-Maritime.
Pour éviter une catastrophe, une restauration complète a été engagée. Le chantier s’étalera sur trois ans, avec une enveloppe de 44 millions d’euros validée par le conseil départemental. Une pelleteuse flottante, installée sur un ponton, a commencé à extraire les remblais et blocs de pierre accumulés autour du fort. Ce sont entre 3 500 et 4 000 m³ qui seront évacués à une profondeur pouvant atteindre 7 mètres.
Les matériaux retirés sont en majorité issus d’anciens ouvrages effondrés. Ils seront redéposés dans des fosses marines proches, selon des protocoles précis pour ne pas déséquilibrer l’écosystème local. L’entreprise ETPO, spécialisée dans les chantiers maritimes, pilote l’ensemble des opérations techniques.
Retour aux plans d’origine du XIXe siècle
Une fois le terrassement terminé, l’étape suivante consistera à renforcer la base du bâtiment. Dès septembre, les grandes marées permettront de restaurer la risberme, un talus de protection essentiel qui entoure le fort. En 2026, des éléments structurels seront reconstitués pour consolider l’ensemble.
« On reconstruit à l’identique des pièces disparues, inspirées des plans historiques. Le but est de garantir une stabilité pour les 100 prochaines années », a expliqué Jean-Bruce Boisson, directeur d’exploitation chez ETPO.
Les nouvelles structures, comme un éperon de protection et un havre d’accostage, seront fabriquées à Saint-Nazaire. Leur installation est prévue à l’été 2027, au plus près de l’apparence initiale du fort, telle qu’imaginée à l’époque de Napoléon.
L’objectif final ne se limite pas à stabiliser l’édifice. Le projet prévoit également de rouvrir Fort Boyard au public en 2028. Si les conditions sont réunies, les visiteurs pourront explorer ce lieu mythique qui, jusque-là, était inaccessible malgré sa renommée mondiale.
Un symbole culturel à préserver
Depuis son abandon militaire, Fort Boyard a connu plusieurs vies. De prison à plateau télé, il est devenu une véritable icône. L’émission « Fort Boyard », diffusée depuis 1990 sur France 2, a contribué à populariser ce lieu unique bien au-delà des frontières françaises. Chaque été, des millions de téléspectateurs suivent les aventures des candidats entre énigmes, pièges et tigres.
Le fort est aussi un levier économique majeur pour la Charente-Maritime, avec des retombées en termes de tourisme, croisières et emplois locaux. Préserver ce monument, c’est aussi préserver un pan entier de la culture populaire française.
Face à l’émotion suscitée par les premières images du chantier, un appel aux dons a été lancé par les autorités locales pour compléter le financement. La mobilisation autour du projet montre l’attachement du public à ce lieu chargé d’histoire. L’enjeu est clair : permettre à Fort Boyard de tenir encore un siècle au moins, face à la puissance de l’océan Atlantique.