Une suspension de cotation qui interroge tout le secteur
Vendredi matin, Euronext a confirmé que le titre Ubisoft était suspendu « à la demande de la société ». La raison officielle : laisser à l’entreprise le temps de finaliser ses comptes avant de publier ses résultats du premier semestre. Une explication jugée maigre par les analystes, puisque ce type de report reste exceptionnel pour une entreprise de cette taille.
Dans un courriel interne adressé aux 17 000 salariés du groupe, le directeur financier Frédérick Duguet évoque un « délai supplémentaire pour finaliser la clôture du semestre ». Il précise également que la suspension vise à éviter « la spéculation inutile et la volatilité du marché » durant cette période.
« Ce n’est jamais un bon signe de décaler des résultats », souligne un analyste du secteur, qui évoque même la possibilité d’un rachat.
Une action en chute libre depuis le début de l’année
La situation est d’autant plus tendue que l’action Ubisoft a plongé de près de 50 % depuis janvier 2025. Le titre, qui avait culminé à plus de 11 milliards d’euros de capitalisation en 2018, vaut aujourd’hui moins d’un milliard. Un effondrement qui reflète les difficultés rencontrées par l’éditeur depuis plusieurs années.
Les derniers lancements n’ont pas convaincu. Le jeu de tir en ligne XDefiant a été abandonné rapidement. Le blockbuster Star Wars Outlaws a reçu un accueil mitigé. Les derniers Assassin’s Creed montrent un essoufflement des ventes. Et le calendrier 2025–2026 de l’éditeur est particulièrement léger en nouveautés majeures.
Une réorganisation profonde… qui peine à rassurer
Depuis 2023, Ubisoft mène un vaste plan de réduction des coûts : fermetures de studios, départs volontaires, restructurations successives. Plus de 2 000 postes ont déjà été supprimés. En octobre, l’entreprise a annoncé de nouveaux départs dans ses studios de Stockholm et Malmö, pourtant impliqués dans la production de Star Wars Outlaws.
Dans le cadre d’une restructuration plus large, Ubisoft a également créé une nouvelle filiale, Vantage Studios, destinée à regrouper ses licences phares comme Assassin’s Creed, Far Cry et Rainbow Six. Tencent, actionnaire depuis 2018, doit en prendre 25 % pour 1,16 milliard d’euros, sous réserve de validation par les autorités.
Une opération stratégique, mais aussi un signal : Ubisoft cherche à alléger sa dette et redonner de la lisibilité à ses finances.
Le spectre d’un rachat plane sur l’entreprise
La suspension de la cotation a immédiatement relancé les spéculations. Après le rachat récent d’Electronic Arts par un consortium incluant le fonds souverain saoudien PIF, les analystes voient dans ce report une potentielle manœuvre liée à un mouvement capitalistique majeur.
Les discussions avec Tencent, déjà évoquées fin 2024, pourraient refaire surface. D’autres investisseurs pourraient aussi se manifester, dans un contexte de consolidation rapide du secteur du gaming.
Un contexte mondial déjà très compliqué pour le jeu vidéo
Depuis la fin de la pandémie, le secteur du jeu vidéo traverse une crise de croissance. Les studios multiplient les restructurations. Les ventes stagnent. Les superproductions coûtent de plus en plus cher, pour des résultats parfois décevants. Ubisoft n’échappe pas à cette tendance.
Lors du premier trimestre de son exercice 2025–2026, l’entreprise a déjà annoncé un chiffre d’affaires en baisse de 3,9 %. Les « net bookings » déçoivent. Les perspectives restent floues. Et la restructuration interne semble loin d’être terminée.
Ce que signifie vraiment la suspension de la cotation
À court terme, l’objectif est clair : stabiliser le titre et éviter les mouvements paniques sur les marchés, le temps de finaliser des résultats semestriels manifestement sensibles. Mais à moyen terme, cette suspension ouvre un champ de questions :
- la santé financière d’Ubisoft est-elle plus fragile qu’annoncé ?
- la réorganisation autour de Vantage Studios est-elle plus complexe que prévu ?
- un rachat partiel ou total est-il en préparation ?
- le modèle économique de l’éditeur doit-il être repensé ?
Pour l’instant, Ubisoft reste silencieux. Les résultats — attendus « dans les prochains jours » — devraient apporter des réponses. Ou ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire mouvementée de l’un des plus grands noms du jeu vidéo mondial.








