Une opération d’infiltration dans 20 secteurs clés
L’idée n’est pas nouvelle, mais l’ampleur est inédite. Jamais l’État n’avait mené un testing d’une telle envergure. Le principe est simple mais redoutable pour les recruteurs : envoyer deux CV aux compétences strictement identiques pour la même offre, en ne modifiant qu’une seule variable.
Aurore Bergé, la ministre chargée de la Lutte contre les discriminations, a détaillé la mécanique sur France Info. Les 4 000 candidatures fictives vont cibler vingt secteurs d’activité différents. Les critères passés au crible sont ceux qui reviennent malheureusement le plus souvent dans les témoignages des victimes :
- Le nom et le prénom (pour tester le racisme ou les préjugés culturels) ;
- Le sexe (pour mesurer les inégalités femmes-hommes) ;
- L’adresse (pour évaluer la discrimination territoriale, souvent liée aux quartiers populaires).
L’objectif affiché est clair : sortir du ressenti pour obtenir des données irréfutables. Il s’agit de « savoir concrètement s’il y a plus ou moins de difficultés en fonction du secteur d’activité » et d’identifier précisément ce qu’il faut combattre.
Un constat alarmant : 1 Français sur 3 concerné
Si le gouvernement passe à l’offensive, c’est parce que la situation est critique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un Français sur trois déclare avoir subi une discrimination dans l’emploi au cours des cinq dernières années. Que ce soit au moment de l’embauche ou pour une promotion, l’âge, le handicap, l’origine ou le patronyme restent des freins majeurs.
Ce « testing » gouvernemental fait écho à une étude publiée la semaine dernière par la Défenseure des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT). Le sentiment d’injustice est partagé par une large majorité de la population :
« 43 % de la population pense qu’aujourd’hui en France, des personnes sont souvent traitées défavorablement ou discriminées lors d’une recherche d’emploi. »
Il ne s’agit donc plus de cas isolés, mais d’un problème systémique qui mine la confiance des jeunes actifs et des moins jeunes envers le marché du travail.
Vers des sanctions plus lourdes pour les entreprises ?
Au-delà de la prise de température, cette opération pourrait avoir des conséquences législatives. Le gouvernement ne compte pas se contenter d’un simple rapport statistique. Aurore Bergé a été claire : les résultats de cette campagne serviront de base pour « changer la loi » si nécessaire.
Deux pistes principales sont sur la table pour forcer la main aux entreprises récalcitrantes :
- Le renforcement des sanctions : Les entreprises prises en flagrant délit de tri sélectif illégal pourraient voir les amendes augmenter.
- La création d’un index : Sur le modèle de l’index de l’égalité professionnelle (qui mesure les écarts de salaire femmes-hommes), un outil similaire pourrait voir le jour pour noter les entreprises sur leurs pratiques d’inclusion.
Cette méthode du « Name and Shame » (nommer et faire honte) ou de la sanction financière semble être la seule voie pour faire bouger les lignes rapidement.
















