Selon une enquête du journal Le Monde, l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, aurait été victime d’agressions sexuelles durant son enfance. Ces révélations, basées sur une lettre manuscrite de 17 pages datant de 1932, offrent un éclairage inédit sur un épisode douloureux de la jeunesse du célèbre fondateur d’Emmaüs.
Ces faits remontent à l’époque où l’abbé Pierre était pensionnaire au collège Notre-Dame des Minimes, à Lyon, un établissement qu’il fréquentait dans les années 1920.
Des agressions subies à l’âge de sept ans
Dans cette lettre adressée à son maître des novices, Louis-Antoine de Clermont-Ferrand, l’abbé Pierre décrit, à mots couverts, les abus qu’il aurait subis à l’âge de sept ans.
« Des grands vicieux m’entreprennent. Je deviens durant deux mois, sous la menace d’un pistolet, leur jeu, » écrit-il, évoquant un climat de menace et d’intimidation.
Ces agressions auraient entraîné son départ du collège, le contraignant à rester alité chez lui pendant trois mois. À son retour à l’établissement, ses agresseurs ne s’intéressaient plus à lui, ayant été « renvoyés à grand scandale » après avoir été surpris en train d’abuser d’une autre victime.
Ces révélations font écho à une série de témoignages récents accusant l’abbé Pierre de violences sexuelles sur plusieurs femmes entre les années 1950 et 2000. Ces accusations, portées à l’attention du public en juillet dernier, ont terni l’image d’une figure longtemps célébrée pour son engagement en faveur des démunis.
Une commission indépendante d’experts a été mise en place pour enquêter sur les raisons qui auraient permis à l’abbé Pierre de ne pas être inquiété durant des décennies, malgré ces accusations. L’Église a également ouvert ses archives pour tenter de faire la lumière sur cette affaire complexe.
Ces nouveaux éléments permettent de mieux comprendre le parcours de l’abbé Pierre, qui a souvent évoqué, de manière cryptique, des moments difficiles de son enfance dans ses écrits intimes. Ce traumatisme précoce pourrait-il expliquer certains aspects de sa personnalité et de son comportement ultérieur ?
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Dans la biographie rédigée par le journaliste Bernard Violet, ainsi que dans ses carnets personnels, l’abbé Pierre avait déjà évoqué ces événements sans entrer dans les détails. Ces fragments d’information prennent aujourd’hui une résonance particulière à la lumière de ces nouvelles révélations.
Ces révélations relancent également le débat sur la gestion des abus sexuels dans les institutions religieuses. Les archives des Capucins, qui ont permis de découvrir cette lettre, mettent en lumière la nécessité d’une transparence accrue pour comprendre les responsabilités et les défaillances structurelles de l’époque.
Pour l’Église catholique, déjà ébranlée par de multiples scandales d’abus sexuels, ce nouvel épisode soulève des questions cruciales sur le traitement des victimes et la culture du silence qui a pu prédominer dans certaines institutions.
Un homme entre lumière et ombre
Figure emblématique de la solidarité et du combat contre la pauvreté, l’abbé Pierre a laissé une empreinte indélébile sur la société française. Cependant, ces révélations viennent ajouter une nouvelle couche de complexité à son héritage.
Loin de remettre en cause ses réalisations humanitaires, elles appellent à une relecture nuancée de son parcours, marqué à la fois par des actes admirables et des zones d’ombre encore à éclaircir.