Un rapport choc sur les violences en milieu scolaire
Après plusieurs mois d’auditions, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a rendu son rapport sur les violences dans les établissements scolaires. Le document, long de plus de 300 pages, établit un état des lieux alarmant : des violences systémiques dans plusieurs institutions privées, souvent religieuses, et une absence de contrôle dans les écoles catholiques sous contrat.
Des faits graves ignorés pendant des décennies
Le rapport revient sur le cas du village d’enfants de Riaumont, dans le Pas-de-Calais, qui aurait abrité, pendant plus de 50 ans, des violences physiques, sexuelles et psychologiques. Malgré les nombreux signalements, l’État est resté silencieux. Les autorités préfectorales et les services de l’éducation nationale ont préféré minimiser ou ignorer les accusations, ce qui a permis aux faits de se répéter.
« Je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai été violé », témoigne une victime dans le rapport.
Le manque de coordination entre la Ddass, l’inspection de l’éducation protégée et les services académiques a rendu tout contrôle inefficace. Plusieurs inspections ont bien eu lieu, mais aucune décision concrète n’a été prise pour protéger les mineurs accueillis dans ces établissements.
Un traitement radicalement différent pour les écoles musulmanes
En parallèle, les rapporteurs du texte pointent du doigt un traitement bien plus strict réservé aux établissements musulmans. Le cas du lycée Averroès, situé à Lille, est emblématique. Malgré une inspection favorable menée par l’Inspection générale, son contrat avec l’État a été résilié. D’autres établissements, comme Al-Kindi ou Ibn Khaldoun, ont subi le même sort en moins de deux ans.
« Je ne connais pas un seul établissement musulman qui échappe à un contrôle annuel », affirme Makhlouf Mamèche, président de la Fédération de l’enseignement musulman privé.
Les 7 000 écoles catholiques sous contrat, qui représentent la quasi-totalité du privé confessionnel, n’ont connu qu’une poignée d’inspections sur plusieurs années. À l’inverse, les établissements musulmans, bien moins nombreux, font l’objet d’une surveillance constante, ce qui alimente le sentiment d’injustice chez leurs responsables et leurs familles.
Des recommandations pour rétablir l’équité
Le rapport parlementaire propose 50 recommandations pour renforcer la régulation et la prévention. Parmi elles, la mise en place d’un contrôle complet tous les cinq ans dans tous les établissements privés, quelle que soit leur confession. Il est également suggéré d’intégrer des clauses de prévention des violences directement dans les contrats passés avec l’État.
Des contrôles plus réguliers et transparents
Les députés souhaitent que chaque école privée sous contrat fasse l’objet d’inspections périodiques, et que les élèves interrogés le soient de manière aléatoire. Les comptes rendus des commissions statuant sur les ruptures de contrat devraient aussi être publiés afin de garantir une certaine transparence dans les décisions prises par l’administration.
« On ne peut pas accepter que certains établissements soient laissés dans l’ombre tandis que d’autres sont sur-surveillés », résume un député membre de la commission.
Par ailleurs, un renforcement de la formation des personnels est envisagé pour qu’ils soient mieux armés face aux violences. L’article 40 du Code de procédure pénale, qui oblige à signaler tout crime ou délit, devrait aussi faire l’objet de rappels réguliers dans les écoles privées.
Un climat de défiance grandissant
Face à ces constats, la crédibilité des contrôles de l’État est remise en cause. De nombreux acteurs du secteur éducatif dénoncent un climat de suspicion, en particulier à l’encontre des établissements musulmans, dont la pédagogie et le fonctionnement sont sans cesse remis en question, parfois sans preuve.
De leur côté, les écoles catholiques bénéficient d’un traitement privilégié, rarement remis en cause, malgré des scandales avérés dans des institutions comme Bétharram, Garaison ou Dax. Un déséquilibre que plusieurs députés jugent aujourd’hui inacceptable, surtout à l’heure où l’école se veut le socle de la République.
Vers une loi ?
Les rapporteurs du rapport entendent donner une suite législative à leur travail, en proposant un texte pour renforcer le contrôle de l’État dans toutes les écoles sous contrat. Le projet pourrait être déposé à l’automne 2025. D’ici là, le ministère de l’Éducation prévoit de mener 1 000 inspections sur l’année, contre à peine quelques dizaines les années précédentes.
Ce changement de cap, s’il se concrétise, pourrait rétablir un certain équilibre dans le traitement des établissements privés. Mais pour cela, il faudra surmonter les résistances politiques et administratives d’un système trop longtemps figé.