Le monde de la bande dessinée pleure la disparition d’un grand nom du neuvième art : André Jobin, plus connu sous le nom de Job, co-créateur du célèbre Yakari. Ce scénariste suisse est décédé à l’âge de 96 ans le 8 octobre 2024, laissant derrière lui un héritage profondément ancré dans l’imaginaire collectif de nombreuses générations.
La genèse de Yakari
Né en 1927 à Delémont, en Suisse, André Jobin ne s’imaginait probablement pas devenir une icône de la bande dessinée pour enfants. Formé en tant que journaliste, il entame sa carrière en travaillant pour divers médias suisses dans les années 1950. Cependant, sa passion pour l’écriture et l’envie de s’adresser à un public jeune le poussent à fonder en 1964 un hebdomadaire pour la jeunesse, Le Crapaud à lunettes. C’est dans ce cadre qu’il rencontre Claude de Ribaupierre, alias Derib, un talentueux dessinateur.
Ensemble, ils lancent d’abord Les aventures de Pythagore et Cie, une série mettant en scène un hibou savant. Mais c’est en 1969 que naît Yakari, un petit Indien de la tribu Lakota, capable de communiquer avec les animaux. Ce personnage, imaginé graphiquement par Derib, trouve en Job un scénariste capable d’infuser à cette série une profondeur narrative, centrée sur la nature, la tolérance, et un respect des animaux qui précède largement les préoccupations écologiques contemporaines.
Un univers en harmonie avec la nature
Yakari se distingue immédiatement des autres bandes dessinées de l’époque par son approche pacifique et respectueuse de la nature. Contrairement aux récits classiques du western souvent axés sur la confrontation entre cow-boys et Indiens, Job et Derib choisissent de raconter les aventures d’un enfant qui n’a jamais rencontré d’hommes blancs et dont l’univers est peuplé d’animaux. Accompagné de son fidèle Petit Tonnerre, un cheval au pelage noir et blanc, Yakari évolue dans un monde où chaque créature, de l’ours au coyote, a une place importante.
Pour Job, Yakari est avant tout un enfant curieux, généreux et débrouillard. « Yakari est un enfant qui aime les animaux, comme moi », confiait-il dans une interview en 2020. Grâce à son totem, le Grand Aigle, Yakari peut parler aux animaux, un secret qu’il partage seulement avec son amie Arc-en-Ciel. Ce pouvoir lui permet de vivre des aventures où la bienveillance, la justice et l’amitié sont toujours au centre des intrigues. C’est un héros qui, contrairement aux stéréotypes du western, n’est ni un chasseur ni un guerrier, mais plutôt un enfant en quête de compréhension du monde qui l’entoure.
Une série à succès internationale
Dès son premier album publié en 1973, Yakari rencontre un énorme succès. Traduit dans plus de 20 langues, la série a su conquérir un public bien au-delà des frontières suisses et françaises. Entre 1973 et 2014, Job écrira les scénarios de 38 tomes des aventures de Yakari, avant de passer le relais à d’autres scénaristes, notamment Joris Chamblain et Xavier Giacometti.
Mais le succès de Yakari ne se limite pas aux pages de bande dessinée. La série est adaptée en dessins animés, la première fois en 1983, puis à nouveau en 2005 avec une version diffusée sur France Télévisions et RTBF en Belgique. Elle est également déclinée en long-métrage, en roman, en comédie musicale et même en jeu vidéo. Le personnage est devenu un véritable phénomène culturel, avec plus de 5 millions d’exemplaires vendus à travers le monde.
Un engagement écologique avant l’heure
L’une des raisons du succès durable de Yakari réside dans les thèmes chers à Job : la protection de la nature, la tolérance et le vivre ensemble. Dès les premiers albums, Job et Derib font le choix de ne pas céder aux facilités du genre western en évitant les armes et les duels pour privilégier une approche plus spirituelle et écologique. Dans chaque tome, un animal ou une plante est mis en avant, permettant aux jeunes lecteurs de découvrir la richesse de la faune et de la flore nord-américaine. Cet aspect a permis de sensibiliser de nombreuses générations aux enjeux de l’écologie et du respect de l’environnement.
Une carrière couronnée de succès
Tout au long de sa carrière, André Jobin a été salué pour son travail de scénariste visionnaire. Il a reçu plusieurs distinctions, dont deux Prix Jeunesse au Festival de la BD d’Angoulême, en 1982 et 2006, pour les albums de Yakari. Ces récompenses viennent reconnaître l’impact qu’il a eu sur la bande dessinée jeunesse et sur la manière dont il a su transmettre des valeurs positives à travers des récits accessibles et captivants.
Aujourd’hui, le nom d’André Jobin restera à jamais associé à celui de Yakari et de Petit Tonnerre, ces deux personnages qui ont su traverser les époques et rester intemporels.