Le bilan est impressionnant : 164 appareils ont été récupérés par les forces de l’ordre, dont 88 téléphones miniatures. Ces modèles, aussi petits qu’un briquet, sont conçus pour passer à travers les portiques de sécurité sans être détectés. Leur format ultra discret en fait des outils de communication très prisés par les détenus.
Les téléphones interceptés étaient en grande partie produits en Chine et importés illégalement par le biais du fournisseur Oportik, aujourd’hui dans le viseur des autorités. L’enquête révèle un réseau de distribution structuré qui approvisionnait plusieurs prisons de manière régulière.
Une opération née d’un constat inquiétant
À l’origine de ce coup de filet, une série de constats accablants : des détenus qui organisent des arnaques depuis leur cellule, donnent des ordres à l’extérieur ou manipulent d’autres détenus grâce à des communications clandestines. C’est ce qui a poussé le parquet de Paris à déclencher une enquête judiciaire dès octobre 2024.
Cette enquête a été confiée à la section de lutte contre la cybercriminalité ainsi qu’à la brigade BL2C pour les établissements d’Île-de-France. Grâce à des écoutes et à la géolocalisation de certains téléphones, les enquêteurs ont pu identifier les principaux acteurs du réseau.
En parallèle des perquisitions en détention, un local de stockage a été découvert. À l’intérieur : près de 500 téléphones encore emballés et plus de 70 000 euros en espèces. Les enquêteurs ont aussi identifié un compte bancaire lié à l’affaire sur lequel se trouvaient 14 000 euros.
Une justice qui frappe fort
À la suite de l’opération, 200 détenus ont été entendus, dont 17 placés en garde à vue. Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour des faits de recel et de transactions illicites en bande organisée. Deux personnes ont été mises en examen et placées en détention provisoire.
Le parquet de Paris s’est ensuite dessaisi au profit de 55 parquets locaux, chacun chargé d’instruire les cas de téléphonie interdite dans leur juridiction. À Paris, un détenu de la prison de La Santé a déjà été jugé en comparution immédiate pour possession de téléphone miniature.
Un marché noir dans les murs des prisons
Ces téléphones miniatures représentent un marché parallèle particulièrement lucratif. Le prix d’un appareil peut grimper jusqu’à 1000 euros selon la demande. Ces objets, souvent introduits lors des visites ou parfois même par complicité interne, échappent à la détection malgré les contrôles renforcés.
Les surveillants, débordés, peinent à contrôler tous les flux d’objets entrants. Les portiques classiques ne détectent pas toujours ces modèles miniatures. Certains détenus s’arrangent pour les faire passer dans les colis ou les introduire lors de permissions non fouillées à leur retour.
Le brouillage au cœur des solutions envisagées
Pour lutter contre ce phénomène, l’État envisage d’intensifier le brouillage des ondes dans les établissements sensibles. Certaines prisons testent déjà des dispositifs capables de bloquer les communications téléphoniques dans les cellules tout en laissant passer les signaux dans les zones administratives.
Mais ces solutions restent coûteuses et parfois inefficaces. Le brouillage peut aussi perturber les communications des personnels, ou celles des habitations voisines. Des alternatives comme les cellules blindées ou les fouilles renforcées sont aussi sur la table.
Un phénomène de plus en plus documenté
La possession de téléphones en prison n’est pas nouvelle, mais le recours à des modèles indétectables s’intensifie. De plus en plus de réseaux utilisent la prison comme centre de commandement. On parle d’escroqueries à la carte bancaire, de trafics de drogue organisés depuis les cellules, ou même d’actes de cyberharcèlement.
Certains profils très organisés continuent à agir depuis l’intérieur avec une précision inquiétante. Les écoutes ont révélé des conversations où les détenus passent des consignes détaillées, gèrent leurs réseaux et contournent les sanctions par téléphone. Le tout, parfois avec des complices à l’extérieur.
La prison face à un défi numérique
La technologie avance, et les prisons doivent s’adapter. Si les téléphones miniatures représentent une menace, c’est aussi parce qu’ils posent la question de l’accès contrôlé au numérique en détention. Certains experts plaident pour une ouverture encadrée, avec des téléphones sous surveillance ou des plateformes sécurisées pour appeler un avocat ou la famille.
Sans alternatives légales, certains détenus préfèrent prendre des risques pour garder un lien avec l’extérieur. Ce que révèle aussi l’opération Prison Break, c’est qu’il ne s’agit pas que de trafic, mais aussi d’un besoin de communication. La question reste donc : comment garantir la sécurité tout en respectant les droits humains ?