L’enquête, réalisée auprès de plus de 21 000 médecins, montre que 54 % des femmes médecins ont été victimes de violences sexistes et sexuelles. Les formes de violences rapportées varient :
- 49 % des femmes déclarent avoir subi des outrages sexistes.
- 18 % ont été victimes de harcèlement sexuel.
- 9 % d’agressions sexuelles.
- 2 % de viols.
Ces violences sont le plus souvent commises par des confrères ou des supérieurs hiérarchiques, que ce soit pendant les études ou dans le cadre professionnel.
Un environnement marqué par des rapports de pouvoir
Les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical se produisent principalement dans des contextes de rapport hiérarchique ou d’autorité. Pendant les études, 69 % des outrages sexistes et sexuels et 63 % des agressions sexuelles sont attribués à des enseignants, maîtres de stage ou encadrants. Une fois dans le milieu professionnel, 49 % des outrages et des agressions sont perpétrés par des supérieurs hiérarchiques.
Les chiffres sont encore plus inquiétants concernant les viols : 25 % des viols signalés ont été commis par des supérieurs directs. Ces statistiques révèlent une culture de domination où les abus de pouvoir facilitent les violences et découragent leur dénonciation.
Malgré l’ampleur du phénomène, les violences sexistes et sexuelles sont rarement signalées. Selon l’enquête :
- Moins de 3 % des victimes ont déclaré les faits à l’Ordre des médecins.
- 87 % des victimes ne savent pas si l’Ordre a été informé des violences subies.
- La peur de ne pas être crue et la crainte des répercussions professionnelles sont les principaux freins à la dénonciation.
Cette sous-déclaration est également liée à une culture de banalisation des violences dans le monde médical et à un manque de confiance envers les instances responsables.
Les médecins ayant osé dénoncer des violences déclarent souvent avoir subi des discriminations professionnelles :
- 8 % rapportent la non-obtention d’un poste ou des obstacles à leur avancement.
- 23 % évoquent des mutations forcées.
- 20 % déclarent avoir été mises à l’écart par leurs collègues ou supérieurs.
Ces discriminations créent un climat de peur qui dissuade les victimes de parler, renforçant ainsi l’impunité des auteurs.
Les étudiantes en médecine particulièrement vulnérables
Le milieu des études médicales est particulièrement touché par les violences sexistes et sexuelles. Selon l’enquête, 44 % des violences ont lieu pendant le parcours étudiant, tandis que 20 % surviennent dans un cadre professionnel. Les étudiantes sont souvent confrontées à des abus de pouvoir de la part de leurs formateurs ou maîtres de stage, ce qui rend les violences encore plus difficiles à signaler.
Un autre aspect préoccupant révélé par l’enquête est le manque de sensibilisation et d’accompagnement des médecins face aux violences sexistes et sexuelles :
- 72 % des médecins estiment ne pas être suffisamment informés sur les dispositifs d’aide existants.
- 74 % ressentent le besoin d’être mieux formés pour accompagner les victimes et signaler les faits.
Face à cette situation, plusieurs acteurs appellent à des réformes structurelles pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical. Parmi les solutions proposées :
- Création de cellules dédiées dans chaque faculté de médecine et CHU pour recueillir les signalements.
- Formations obligatoires sur les violences sexistes et sexuelles pour les enseignants, maîtres de stage et professionnels de santé.
- Mise en place de procédures de signalement simplifiées et accessibles.
- Vérification systématique des antécédents des médecins inscrits à l’Ordre, notamment via le Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violences (Fijais).
Les associations d’étudiants en médecine jouent un rôle clé dans cette lutte. Par exemple, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a publié un guide détaillé pour aider les victimes et sensibiliser les futurs médecins. De son côté, l’ISNI (InterSyndicale Nationale des Internes) milite pour une meilleure prise en charge des victimes et des sanctions plus fermes contre les agresseurs.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins affirme adopter une politique de tolérance zéro face aux violences sexistes et sexuelles. Toutefois, il reconnaît que des efforts restent à faire pour gagner la confiance des victimes et garantir une prise en charge efficace des signalements.
Lire aussi : un étudiant en médecine sur deux présente des symptômes anxieux