Pourquoi la réforme des agréments est reportée
Le décret n°2025-899, publié le 5 septembre 2025 au Journal officiel, annonce officiellement la prorogation des agréments des établissements de formation en ostéopathie jusqu’au 1er septembre 2028. Normalement, plusieurs écoles devaient être réévaluées entre 2026 et 2027. Finalement, elles gagnent deux ans supplémentaires.
Cette décision n’a rien d’anodin. Elle intervient dans un contexte où la dernière campagne d’agrément en 2021 avait tourné à la catastrophe : 9 écoles sur 31 avaient perdu leur autorisation, déclenchant une pluie de recours juridiques et une grosse crise de confiance dans le système.
« Il n’y avait pas d’autre choix que de prolonger les agréments. Le cadre actuel ne permet pas d’évaluer sérieusement la qualité des écoles », explique Philippe Sterlingot, président du Syndicat français des ostéopathes.
Un système d’agrément largement critiqué
Pour former des étudiants au métier d’ostéopathe, une école doit être agréée par le ministère de la Santé. Cet agrément est essentiel, car il autorise les établissements à délivrer le diplôme d’ostéopathe, obligatoire pour exercer.
Sauf que le système actuel pose plusieurs problèmes :
- Les dossiers déposés par les écoles sont uniquement déclaratifs, sans vérifications systématiques.
- La CCNA, la commission chargée d’examiner les demandes, est accusée de conflits d’intérêts.
- Il n’existe pas de contrôles sur site obligatoires par les Agences régionales de santé.
- La qualité pédagogique est jugée inégale d’une école à l’autre.
L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait tiré la sonnette d’alarme dès 2022, recommandant des réformes profondes, notamment l’arrivée de jurés indépendants pour valider les formations et davantage d’audits sur place.
Trop d’ostéopathes en France, un marché saturé
La France compte aujourd’hui plus de 42 ostéopathes pour 100 000 habitants, soit la plus forte densité mondiale, loin devant d’autres professions médicales comme les dermatologues ou neurologues.
Résultat : le marché est saturé et la majorité des jeunes diplômés galèrent à se lancer. Beaucoup finissent en micro-entreprise, avec un chiffre d’affaires très faible les premières années. Certains cumulent plusieurs emplois ou quittent carrément la profession.
La prorogation des agréments ne change donc rien pour eux à court terme. Elle reporte juste une réforme qui aurait pu améliorer le tri parmi les écoles et réduire le nombre de diplômés.
Pourquoi créer une Autorité publique indépendante
Depuis deux ans, les syndicats professionnels comme le SFDO et les Ostéopathes de France défendent l’idée de confier l’agrément à une nouvelle Autorité publique indépendante (API). Cette structure serait chargée de :
- centraliser les agréments et renouvellements,
- organiser de vrais contrôles qualité des écoles,
- éviter les conflits d’intérêts,
- protéger les étudiants et les patients.
Mais ce projet peine à avancer. Les débats sont vifs entre ostéopathes, kinés et médecins. Chacun veut peser dans la gouvernance de cette future autorité, ce qui bloque les négociations.
Qu’est-ce que ça change pour les étudiants et les écoles
Concrètement :
- Les écoles conservent leur agrément jusqu’en 2028.
- La CCNA ne se réunira plus sauf cas exceptionnels (nouvelle école ou modification de capacité).
- Les écoles ont 2 ans de plus pour préparer leur dossier.
- Mais aucune nouvelle règle qualité ne s’applique pour l’instant.
Pour les étudiants actuels, il n’y a pas de risque de se retrouver sans diplôme reconnu. En revanche, aucune amélioration de la qualité de formation n’est garantie à court terme.
Un secteur à surveiller
Entre l’engouement du public pour les médecines alternatives, les critiques scientifiques, les tensions politiques et la précarisation des jeunes diplômés, l’ostéopathie est à la croisée des chemins.
Le report de la réforme des agréments à 2028 laisse du temps, mais crée aussi une zone floue. Beaucoup s’interrogent : ce délai sera-t-il utilisé pour réformer efficacement ou pour repousser encore un problème qui dérange ?
