Lors de la conférence nationale des doyens de pharmacie, tenue en octobre, ces derniers ont réitéré leur demande de création d’un recrutement direct pour les études de pharmacie sur la plateforme Parcoursup. Selon les doyens, un accès plus direct pourrait éviter l’autocensure de nombreux lycéens intéressés par la pharmacie, souvent rebutés par le parcours spécifique aux études de santé, le PASS (Parcours d’Accès Spécifique Santé) et la LAS (Licence avec option Accès Santé). Les doyens plaident pour la possibilité de sélectionner les étudiants dès la terminale pour une première année dédiée à la pharmacie.
Une filière en crise de recrutement depuis la réforme de 2020
Depuis la réforme de 2020, remplaçant la PACES (Première Année Commune aux Études de Santé) par le PASS et la LAS, le nombre d’inscriptions en deuxième année de pharmacie a significativement chuté. En 2022, plus de 1 000 places sont restées vacantes en deuxième année. Bien que ce chiffre ait diminué avec seulement 293 places vacantes en 2024, il reste préoccupant. Cette baisse d’attractivité est en partie attribuée à l’impact du système actuel, qui impose une hiérarchisation implicite des filières de santé. En effet, la pharmacie est souvent perçue comme un choix de « dernière option » pour les étudiants qui n’ont pas été admis en médecine, dentaire ou maïeutique, regrettent les doyens.
Les doyens des facultés de pharmacie souhaitent un retour à une autonomie de sélection, permettant d’attirer directement les étudiants passionnés par la filière. Cette voie alternative permettrait de redonner à la pharmacie une visibilité et une attractivité dès l’inscription sur Parcoursup, tout en limitant le nombre de défections au profit d’autres filières. Comme l’explique Vincent Lisowski, président de la Conférence des doyens de pharmacie, « nous perdons des étudiants en route à cause de la complexité du système actuel, et il est temps de leur offrir une option claire pour se diriger vers la pharmacie dès le lycée ».
Le recrutement insuffisant dans les facultés de pharmacie constitue un risque pour la santé publique, expliquent les doyens. La filière pharmacie est essentielle pour garantir un accès aux soins dans toutes les régions de France, en particulier dans les zones rurales où les pharmacies sont souvent l’unique lieu de santé accessible. Les départs à la retraite et le vieillissement des effectifs aggravent la situation, avec une baisse de pharmaciens en exercice prévue dans les prochaines années.
En permettant un accès direct aux études de pharmacie sur Parcoursup, les doyens espèrent attirer de nouveaux profils motivés et renforcer la couverture des soins à l’échelle nationale.
La réforme de la PACES a introduit une hiérarchisation des filières de santé qui, selon les doyens, impacte négativement la filière pharmacie. Le concours unique pour les études de santé a créé une concurrence accrue entre les étudiants, faisant de la pharmacie une filière de « second choix ». Cette situation a conduit de nombreux étudiants à se tourner vers des formations à l’étranger, notamment en Belgique, avant de revenir exercer en France. Les doyens regrettent cette perte de talents pour le territoire national, qui fragilise les facultés de pharmacie françaises.
Pourquoi une voie de recrutement complémentaire serait bénéfique
Un recrutement direct sur Parcoursup aurait plusieurs avantages :
Attraction accrue des lycéens motivés par la pharmacie : Cette voie faciliterait l’inscription des lycéens directement intéressés par la pharmacie sans qu’ils passent par des voies générales de santé.
Réduction de l’hétérogénéité des profils en deuxième année : Le recrutement via le PASS et la LAS entraîne une disparité des niveaux et une augmentation des redoublements, selon les doyens. La sélection directe permettrait de cibler des étudiants mieux préparés et motivés.
Diminution des départs à l’étranger : En offrant une voie directe, les facultés pourraient dissuader les étudiants de se tourner vers des universités étrangères et les retenir en France, contribuant ainsi au développement des compétences pharmaceutiques nationales.
La création de cette voie nécessiterait une modification des textes réglementaires afin de reconnaître officiellement une première année dédiée à la pharmacie. Les doyens proposent également d’autoriser une dérogation des flux de sélection, à hauteur de 70 %, pour permettre aux étudiants motivés d’intégrer la filière sans passer par les concours de médecine, dentaire ou maïeutique.
De nombreuses facultés de pharmacie et universités françaises se montrent favorables à l’expérimentation de ce dispositif de recrutement. Selon la Conférence des doyens, il est crucial d’inverser la tendance actuelle en adoptant des mesures concrètes. Plusieurs doyens soulignent qu’un maintien du modèle actuel risquerait de compromettre l’avenir de la pharmacie en France.
Le ministère de l’Enseignement supérieur, conscient des enjeux liés aux études de santé, indique que des ajustements sont en cours pour répondre aux préoccupations des doyens. Cependant, aucune annonce officielle n’a encore été faite quant à la mise en place d’une voie de recrutement spécifique pour la pharmacie.