Un choc démographique qui change les règles du jeu
Depuis plusieurs années, la France connaît une baisse des naissances. Cette dénatalité commence déjà à se voir dans les écoles et les lycées, et elle va progressivement toucher l’enseignement supérieur. Des travaux récents estiment que le nombre de néo-bacheliers inscrits en première année devrait baisser d’environ 8 % à l’horizon 2035, et d’environ 20 % d’ici 2042 si rien ne change dans les comportements d’orientation.
Pour les grandes écoles, c’est un vrai tournant. Pendant des années, la question majeure était : comment absorber toujours plus d’étudiants ? Désormais, le défi devient : comment remplir les promos alors que le “réservoir” de jeunes en France devient plus petit ? C’est ce qu’on appelle le “nouveau régime démographique” : moins de naissances, donc moins d’élèves, donc moins d’étudiants potentiels.
Dans ce contexte, continuer à baser sa stratégie uniquement sur le marché français est risqué. C’est là que l’international entre en scène.
Pourquoi les grandes écoles se tournent vers l’international
Dire que les grandes écoles misent sur l’international pour survivre, ce n’est pas une formule choc. C’est une réalité stratégique. Depuis des années, beaucoup d’écoles de commerce françaises ont ouvert des campus à l’étranger : en Europe (Barcelone, Budapest, Malaga…), en Afrique (par exemple au Maroc), parfois en Asie ou en Amérique du Nord.
Ces implantations répondent à plusieurs objectifs :
- Attirer de nouveaux publics : des étudiants locaux qui n’auraient peut-être jamais envisagé de venir étudier directement en France.
- Diversifier les profils : accueillir plus d’étudiants d’Europe, d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine.
- Renforcer l’image internationale : montrer qu’une école est présente “dans le monde” et pas uniquement dans une ville française.
- Proposer de nouvelles expériences : doubles diplômes, semestres intégrés à l’étranger, spécialisations liées à un territoire (aéronautique, RSE, IA, etc.).
Pour les directions d’école, l’internationalisation n’est plus un “plus” marketing. C’est un levier central pour compenser la future baisse du nombre de candidats français et sécuriser les effectifs.
Le rôle clé des étudiants internationaux
L’autre pilier de cette stratégie, ce sont les étudiants étrangers qui viennent étudier en France. Leur nombre ne cesse d’augmenter : on compte aujourd’hui plus de 440 000 étudiants étrangers inscrits dans l’enseignement supérieur français, soit près de 15 % des effectifs.
Les écoles de commerce sont particulièrement concernées. Elles affichent l’un des taux les plus élevés d’étudiants de nationalité étrangère, autour de 23 % en moyenne, avec une forte présence de profils venus notamment de Chine, d’Inde ou d’Afrique.
Pour les grandes écoles, cette hausse est doublement stratégique :
- Elle compense le recul attendu des effectifs français.
- Elle renforce leur modèle économique, car ces étudiants sont souvent issus de pays où les frais de scolarité sont plus élevés qu’en France, ce qui rend les tarifs des écoles françaises relativement compétitifs.
Concrètement, cela veut dire que, dans une promo de grande école en 2030, la proportion d’étudiants étrangers pourrait être encore plus élevée qu’aujourd’hui. Tu seras donc amené à travailler en groupe avec des personnes qui n’ont pas le même parcours scolaire, pas la même culture, parfois pas la même langue de travail. C’est déjà le cas, mais la tendance va s’accentuer.
Un modèle économique sous pression
Les grandes écoles privées, ou consulaires, vivent principalement des frais de scolarité. Elles ne bénéficient pas ou très peu de subventions publiques. Leur équilibre repose donc sur trois éléments : le niveau des droits de scolarité, le nombre d’étudiants, et la capacité à proposer de la formation continue ou des partenariats avec des entreprises.
Avec la baisse démographique à venir, tout le modèle est bousculé : moins de candidats français potentiels, mais des coûts qui continuent d’augmenter (campus, profs, accréditations internationales, services aux étudiants…). D’où une stratégie assez logique :
- Ouvrir de nouveaux marchés à l’étranger.
- Recruter plus d’étudiants internationaux, prêts à payer des frais parfois élevés pour un diplôme reconnu.
- Multiplier les partenariats avec des universités et des entreprises à l’international pour co-financer certains projets.
Pour toi, futur étudiant, cela peut se traduire par des frais qui continuent d’augmenter, mais aussi par plus d’options : alternance, bourses, doubles diplômes, parcours hybrides entre plusieurs pays.
Ce que ça change pour toi, si tu vises une grande école
Plus de choix… mais plus de complexité
Bonne nouvelle : les grandes écoles misent sur l’international pour survivre, et cela se traduit par plus de parcours possibles. Campus en France ou à l’étranger, bachelor ou programme grande école, double diplôme, échanges longs… Tu peux construire un parcours très international sans forcément quitter une école française.
En revanche, tout devient plus complexe à lire : chaque établissement propose sa propre carte de campus, sa liste de partenaires, ses accords de mobilité. Il devient essentiel de regarder la réalité derrière les slogans : combien de places en échange ? quelle durée ? est-ce un vrai double diplôme ou un simple semestre ?
Des cursus plus internationaux dès la première année
La généralisation de l’anglais comme langue de travail dans certaines écoles, la présence de professeurs étrangers, les projets menés avec des partenaires internationaux font que tu peux te retrouver dans un environnement quasi “global” dès la première année.
« L’international n’est plus seulement un semestre à l’étranger. C’est une façon de concevoir les programmes, les recrutements et les carrières. »
Si tu choisis ce type d’école, il faut donc être prêt à travailler en anglais, à évoluer dans des groupes très mixtes et à te projeter sur des stages ou des premières expériences hors de France.
Un recrutement qui se diversifie
Avec la pression démographique, les grandes écoles cherchent aussi à diversifier leurs recrutements. Cela passe par plusieurs leviers :
- Voies parallèles après un BTS, un BUT ou une licence, qui prennent de plus en plus de place dans les admissions.
- Forte utilisation de l’alternance pour attirer des profils qui n’auraient pas les moyens de financer une scolarité classique.
- Ouverture sociale via des bourses, des dispositifs passerelles, des partenariats avec des lycées.
Ces mouvements sont liés à la démographie, mais aussi à une demande sociale forte : rendre l’accès aux grandes écoles un peu moins réservé à quelques profils très favorisés.
Comment décrypter la stratégie internationale d’une école
Regarder au-delà des brochures
Quand tu consultes une école qui affiche partout des photos de campus à l’étranger, pose-toi quelques questions simples :
- Combien d’étudiants partent réellement chaque année sur ces campus ?
- Les places sont-elles garanties ou attribuées sur dossier ?
- Quels sont les débours réels (logement, frais sur place, billets d’avion) ?
- Les cours sont-ils reconnus de la même façon qu’en France ?
Le fait que les grandes écoles misent sur l’international pour survivre peut être une chance pour toi : plus d’options, plus d’ouverture, plus d’expériences. À condition de bien lire entre les lignes et de choisir en fonction de ton projet, pas seulement des promesses d’“expérience globale”.
















