Des loups du passé recréés en laboratoire : prouesse ou illusion ?

Ils s’appellent Romulus, Remus et Khaleesi. Trois chiots blancs aux airs de créatures tout droit sorties de Game of Thrones. Pourtant, ce ne sont pas des animaux de fiction. Ces louveteaux ont réellement vu le jour dans un laboratoire américain, grâce à une technologie génétique avancée. Leur naissance est présentée comme la première « dé-extinction » d’une espèce disparue il y a environ 12 000 ans : le loup terrible (Aenocyon dirus).
loup sinistre

Une prouesse scientifique signée Colossal

Derrière cette expérience hors norme, on trouve Colossal Biosciences, une start-up basée au Texas, connue pour ses projets fous de résurrection d’espèces éteintes comme le mammouth laineux ou le dodo. Cette fois, elle s’est attaquée au fameux dire wolf, un canidé éteint à la fin de la dernière ère glaciaire.

Les chercheurs ont utilisé de l’ADN extrait de deux fossiles : une dent vieille de 13 000 ans et un fragment de crâne daté de 72 000 ans. Grâce à la technologie CRISPR-Cas9, ils ont pu modifier 14 gènes clés prélevés sur des loups gris pour y insérer les séquences du loup terrible. Ces gènes concernent la taille, la structure du crâne, la pigmentation du pelage ou encore la puissance musculaire.

Une fois les cellules modifiées, les scientifiques les ont injectées dans des ovules de loups gris énucléés. Les embryons ainsi créés ont été implantés dans des chiennes domestiques. Trois gestations ont abouti à la naissance des chiots, dont une fémelle, Khaleesi, baptisée en hommage à la série à succès.

Ils grandissent aujourd’hui dans une réserve ultra-sécurisée de plus de 2 000 hectares, loin des regards. Leur comportement est suivi de près, mais pour l’instant, ils ne sont pas destinés à retourner dans la nature.

Sur le papier, ces chiots présentent une ressemblance frappante avec les loups terribles :

  • 1,80 mètre de long,
  • 80 kilos
  • et une fourrure dense et blanche. Mais selon plusieurs chercheurs, ces animaux ne sont pas des clones fidèles, mais plutôt des hybrides.

Le paléogénéticien Nic Rawlence rappelle que le loup terrible est génétiquement très éloigné du loup gris, son cousin moderne. Leur lignée se serait séparée il y a plus de 5 millions d’années.

Colossal affirme que le génome de ses chiots est identique à 99,5 % à celui de l’espèce éteinte. Mais ce chiffre cache une réalité complexe. Chez un animal avec 2,4 milliards de paires de bases ADN, les 0,5 % restants représentent plus d’un million de différences génétiques. Et selon les experts, ces variations jouent un rôle majeur dans le comportement, les fonctions biologiques et l’évolution.

Une manipulation à visée écologique ?

Colossal ne cache pas son ambition : utiliser ces techniques pour sauver d’autres espèces en danger. Elle a déjà cloné des loups rouges, l’une des espèces les plus menacées d’Amérique. L’entreprise met aussi au point des méthodes de prélèvement moins invasives, par simple prise de sang, afin d’éviter les biopsies douloureuses.

Pour ses défenseurs, cette biotechnologie pourrait devenir un outil de conservation puissant, à condition d’être encadrée.

Mais la communauté scientifique reste partagée. Certains saluent une avancée technique, d’autres craignent une dérive marketing masquée derrière un vernis scientifique. La médiatisation autour de Romulus, Remus et Khaleesi, avec la participation de personnalités comme Peter Jackson ou George R.R. Martin, accentue ce flou entre science, spectacle et communication.

Le risque est de brouiller les frontières entre la science-fiction et la réalité biologique. Comme le rappelle Robert Klitzman, bioéthicien à Columbia, modifier quelques gènes ne suffit pas à recréer une espèce. Il faut aussi prendre en compte les comportements, les interactions écologiques et l’histoire génétique complexe des espèces éteintes.

Ce projet réveille chez beaucoup un rêve de remonter le temps, de corriger les erreurs du passé. Il pose aussi la question de ce que nous voulons faire de notre pouvoir technologique. Ramener à la vie des espèces disparues est-il un progrès ou une fuite en avant ?

Romulus, Remus et Khaleesi continueront sans doute à fasciner. Mais leur existence révèle surtout que la frontière entre l’imaginaire et la science moderne est plus fine que jamais.

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