À partir de juillet 2025, les entreprises devront s’acquitter d’un reste à charge obligatoire de 750 euros pour chaque alternant préparant un diplôme à partir de bac+3. Une mesure inédite qui s’inscrit dans une stratégie de réduction des dépenses publiques. Et qui, selon plusieurs acteurs de terrain, risque de casser la dynamique actuelle.
Une contribution financière qui change les règles du jeu
Jusqu’ici, de nombreuses entreprises pouvaient recruter un apprenti sans sortir un centime, les aides couvrant intégralement les frais de formation. Ce ne sera plus le cas pour une large partie des formations supérieures. Ce nouveau coût pourrait dissuader certaines structures, en particulier les PME, de poursuivre ou d’élargir leur politique d’alternance.
Frédéric Sauvage, président de l’Anasup, alerte : « Pour les formations déjà fragilisées par les baisses de financement, cette contribution supplémentaire risque de peser lourd. » Plusieurs organismes de formation commencent déjà à anticiper des annulations de postes ou des reports de campagnes de recrutement.
Des signes concrets de ralentissement émergent. À l’université de Montpellier, le forum annuel dédié à l’alternance a attiré 25 % de recruteurs en moins qu’en 2024. De son côté, l’université Paris-Dauphine observe un certain attentisme : « Les entreprises attendent de voir comment se stabilisent les règles avant de s’engager. »
La crainte est que ce repli ne soit pas temporaire. Certaines grandes entreprises évoquent déjà l’idée de réduire leur volume d’alternants dans les prochaines années. Si cette tendance se confirme, elle pourrait remettre en cause l’équilibre d’un modèle qui avait fait ses preuves.
Les niveaux bac+3 et plus en première ligne
Le niveau master est particulièrement concerné. Ce sont souvent des étudiants avec un bon niveau d’autonomie et des compétences déjà solides, ce qui en fait des profils très recherchés par les entreprises. Mais avec ce nouveau reste à charge, ces mêmes entreprises pourraient se tourner vers des profils moins coûteux, comme les BTS ou les BUT.
Cette situation pourrait créer une forme de concurrence entre les niveaux de diplôme, accentuant les inégalités d’accès à l’alternance. Pour les écoles et universités, cela oblige à repenser leur positionnement et à renforcer leur accompagnement pédagogique.
L’introduction de ce reste à charge change le rapport à l’apprentissage. Les entreprises devront désormais évaluer plus précisément la valeur ajoutée de chaque contrat. Ce qui pourrait aussi être une opportunité, à condition que les organismes de formation sachent prouver la qualité de leurs parcours.
Jean-François Dubé, directeur de CFA, résume : « On va devoir convaincre davantage. Montrer que l’investissement vaut le coup, sur le long terme. »
Une réforme plus large en préparation
Au-delà de cette participation de 750 euros, le gouvernement prévoit plusieurs ajustements à partir de 2025 et 2026. Parmi eux :
- une réduction des financements pour les formations comportant plus de 80 % de distanciel,
- un versement des aides au prorata du nombre de jours de formation,
- un plafonnement étendu des niveaux de prise en charge à 12 000 euros pour certains diplômes,
- une réduction du nombre de certifications reconnues pour simplifier le système.
Ces mesures visent à générer jusqu’à 500 millions d’euros d’économies annuelles, selon les estimations officielles. Mais elles pourraient aussi fragiliser l’écosystème actuel, qui s’était structuré autour de la logique “zéro reste à charge”.
Face à cette évolution, les CFA et les établissements d’enseignement supérieur devront adapter leurs pratiques. Plus de transparence sur les coûts, meilleure lisibilité des compétences acquises, et partenariats renforcés avec les entreprises seront sans doute les clés pour maintenir la confiance dans l’alternance.
Le ministère table pour l’instant sur une stagnation du nombre de contrats signés en 2025, voire un retour au niveau de 2023. Tout l’enjeu sera de savoir si cette pause est passagère… ou le début d’un ralentissement plus durable.