En novembre prochain, l’œuvre emblématique de Maurizio Cattelan, intitulée Comedian — une banane scotchée au mur — sera de nouveau mise en vente aux enchères par la célèbre maison Sotheby’s à New York. Estimée entre 1 et 1,5 million de dollars, cette œuvre conceptuelle attire l’attention et suscite le débat autour de la valeur de l’art contemporain.
Une œuvre audacieuse qui bouscule les codes de l’art
Depuis son apparition en 2019 à Art Basel Miami, la banane scotchée de Cattelan a marqué les esprits. Présentée pour la première fois par le galeriste français Emmanuel Perrotin, Comedian avait alors été vendue pour 120 000 dollars. Rapidement, l’œuvre est devenue un phénomène culturel et médiatique, divisant critiques et spectateurs. La vision de Cattelan a suscité un débat mondial sur les limites de l’art conceptuel et le prix que l’on est prêt à payer pour un concept aussi simple.
L’œuvre Comedian a rapidement enflammé les réseaux sociaux, et son exposition a suscité de vives réactions. Lors de la première présentation à Miami, l’artiste David Datuna a créé l’événement en décrochant la banane pour la manger, en expliquant que son geste visait à critiquer le monde de l’art contemporain. Ce même geste a été réitéré en 2023 par un étudiant coréen lors de l’exposition au Leeum Museum of Art à Séoul, qui a également mangé la banane en déclarant : « Endommager une œuvre d’art moderne peut aussi être une œuvre d’art ».
Ce qui rend Comedian unique, c’est son caractère éphémère. La banane, en tant que matériau périssable, doit être remplacée régulièrement. L’acheteur de l’œuvre n’achète donc pas le fruit lui-même, mais le concept, accompagné d’un certificat d’authenticité et d’instructions précises pour la présentation. Selon Cattelan, Comedian n’est pas une plaisanterie, mais un commentaire sur les valeurs que nous attribuons aux objets dans notre société.
« Si je dois être à une foire d’art, je dois pouvoir vendre une banane comme d’autres vendent leurs peintures. Je joue dans le système, mais avec mes propres règles », a expliqué l’artiste.
Pour annoncer cette vente exceptionnelle, Sotheby’s a mis en place une campagne de communication audacieuse, multipliant les vidéos sur les réseaux sociaux pour créer du suspense autour de l’œuvre. Une vidéo a notamment présenté un homme en costume, portant une mallette noire, symbolisant la valeur mystérieuse et controversée de Comedian. Les sous-titres de la vidéo renforçaient cette idée en alternant entre « un chef-d’œuvre » et « vraiment fou », montrant bien les sentiments ambivalents qu’elle suscite.
Le travail de Cattelan s’inscrit dans une tradition de l’art conceptuel qui bouscule les normes et les attentes. En remontant aux œuvres de Marcel Duchamp, comme son urinoir inversé signé d’un pseudonyme en 1917, ou aux créations subversives de Damien Hirst et Banksy, Comedian s’inscrit dans cette lignée de chefs-d’œuvre provocateurs. En reprenant un objet du quotidien, Cattelan pousse le public à s’interroger sur la nature même de l’art et la manière dont la société attribue de la valeur aux objets.
Avant sa vente aux enchères en novembre, Comedian entamera un tour du monde, avec des expositions d’une journée dans plusieurs grandes villes, telles que Londres, Paris, Milan, et Tokyo, parmi d’autres. Ce périple permet non seulement de susciter l’engouement autour de l’œuvre, mais aussi de permettre aux amateurs d’art du monde entier de découvrir cette création qui a redéfini la perception de l’art contemporain.
Vers une vente record pour Cattelan ?
Bien que la banane scotchée de Cattelan soit une œuvre minimaliste, elle pourrait bien atteindre des sommets lors de sa mise aux enchères. L’œuvre est attendue pour être vendue entre 1 et 1,5 million de dollars, ce qui serait un prix record pour un concept aussi simple. Selon David Galperin, responsable de l’art contemporain chez Sotheby’s, Comedian est une pièce de « pur génie » qui reflète la génération actuelle de l’art contemporain.
La vente de Comedian est l’occasion ultime pour le public de donner sa propre valeur à l’œuvre. Au-delà de la simple provocation, cette œuvre de Cattelan invite à réfléchir sur les concepts de valeur et de société de consommation, un message qui résonne particulièrement dans notre époque où tout peut potentiellement devenir une œuvre d’art.