Geffray et Dati : un plan de 10 ans pour sauver la lecture chez les jeunes

Dix-neuf minutes. C’est le temps moyen qu’un jeune de 7 à 19 ans consacre à la lecture chaque jour. En face ? Plus de trois heures passées à scroller sur les écrans. Le match semble plié par K.O., mais le gouvernement refuse de jeter l’éponge. Édouard Geffray (Éducation nationale) et Rachida Dati (Culture) viennent de dévoiler une double offensive massive : un plan sur dix ans pour la lecture et une refonte totale de l’éducation à l’image. L’objectif est clair : reprendre le contrôle de notre temps de cerveau disponible.
Plan lecture chez les jeunes

19 minutes contre 3 heures : l’état d’urgence déclaré

Le constat posé par le Centre national du livre (CNL) est sans appel et fait froid dans le dos. Alors que les écrans captent l’attention des jeunes plus de trois heures par jour, la lecture est reléguée à une activité marginale de moins de vingt minutes quotidiennes. C’est dix fois moins de temps consacré aux livres qu’aux smartphones. Face à cette « concurrence de plus en plus forte », les ministres parlent d’une urgence absolue à agir.

Pour Édouard Geffray, il ne s’agit pas juste de culture générale, mais de réussite scolaire pure et dure. L’équation est simple : plus un jeune possède un champ lexical diversifié, mieux il réussit ses études. À l’inverse, le décrochage de la lecture, qui s’observe prioritairement au collège, met en péril l’avenir académique d’une génération.

Un phénomène inquiète particulièrement les autorités : le fossé des genres. Les garçons lisent de moins en moins, entraînant une « féminisation très forte de la lecture ». Si rien n’est fait, le livre risque de devenir une pratique culturelle quasi-exclusivement féminine, laissant une partie de la jeunesse masculine sur le carreau.

Le cinéma comme « antidote » au scroll infini

L’autre volet de cette contre-attaque concerne le grand écran. Le 25 novembre, les deux ministres ont annoncé à Créteil un plan de 15 mesures spécifiques pour « refonder l’éducation au cinéma et à l’image ». L’idée n’est pas de diaboliser l’image, mais de différencier le « bombardement de contenus » médiocres sur smartphone de l’expérience collective et structurée de la salle de cinéma.

Pour financer cette ambition, le ministère de la Culture et le CNC vont mettre la main à la poche avec 8 millions d’euros de moyens nouveaux engagés dès 2026. Concrètement, cela va passer par un changement d’échelle du dispositif historique « Ma classe au cinéma ».

  • Actuellement, 2 millions d’élèves en bénéficient.
  • L’objectif est de doubler ce chiffre pour atteindre 4 millions d’élèves.
  • D’ici deux ans, le gouvernement souhaite qu’un élève sur trois puisse aller au cinéma au moins trois fois par an avec sa classe.

Le grand écran est ici perçu comme un « antidote » à la surconsommation des petits écrans. Là où le téléphone fragmente l’attention et isole, la salle de cinéma oblige à la concentration, développe l’esprit critique et crée du lien social.

Faire payer les écrans pour sauver les livres ?

C’est la proposition la plus explosive de ces annonces. Pour financer ce plan lecture sur dix ans, qui comprend également 15 mesures issues des États généraux de la lecture, la question du budget est centrale. Rachida Dati a confirmé que des moyens financiers seraient recherchés, mais c’est Nicolas Georges, directeur du livre au ministère de la Culture, qui a jeté un pavé dans la mare en évoquant le principe du « pollueur-payeur ».

La logique est celle d’une concurrence plus équitable. Si les acteurs du numérique captent l’attention et détournent les jeunes de la lecture, ils devraient participer au financement de la riposte. « Il faut faire payer les écrans », a-t-il avancé. Une taxe sur les géants du numérique pour financer les bibliothèques et les programmes éducatifs pourrait donc être la clé de voûte de ce plan décennal.

Ce n’est pas (que) la faute de TikTok

Attention cependant aux raccourcis faciles. Si les écrans sont les coupables idéaux, les jeunes eux-mêmes nuancent le propos. Selon Régine Hatchondo, présidente du CNL, les adolescents « considèrent que ce n’est pas seulement les écrans » qui les empêchent d’ouvrir un bouquin.

Les jeunes évoquent leurs difficultés cognitives à bien comprendre la lecture, mais aussi le fait que leurs parents passent beaucoup de temps sur les écrans.

L’exemplarité est donc remise en cause : difficile de demander à un ado de lâcher sa console si ses parents sont eux-mêmes scotchés à leurs notifications. De plus, les jeunes réclament une « plus grande diversité de choix » dans les lectures conseillées. Pour réenchanter la lecture, il ne suffira pas de bannir les téléphones, mais de proposer des œuvres qui parlent réellement à cette génération, tout en traitant les difficultés de concentration installées par l’immédiateté des réseaux sociaux.

Et vous, c’était quand votre dernier livre ?

Ce plan sur dix ans est ambitieux, mais il commence à la maison. Avant d’attendre la mise en place de la taxe « pollueur-payeur » ou l’augmentation des sorties cinéma scolaires, le meilleur moyen de soutenir cette initiative reste de poser votre téléphone… et d’ouvrir un livre, ou d’emmener un proche dans une salle obscure.

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