Un décret qui change les règles du jeu
Le décret n°2025-1031, publié au Journal officiel le 1er novembre, introduit deux changements majeurs dans la manière dont les aides sont versées aux employeurs d’apprentis. Désormais, le montant de l’aide dépend plus précisément de la durée réelle du contrat et s’arrête immédiatement en cas de rupture.
Des aides calculées au prorata
Première mesure : la proratisation des aides pour les contrats de moins d’un an. Concrètement, si un contrat commence ou se termine en cours de mois, l’entreprise ne percevra plus une aide complète, mais seulement une partie proportionnelle au nombre de jours travaillés. Un contrat qui débute le 10 janvier donnera droit à 21 jours d’aide, pas à un mois entier.
Jusqu’à présent, les aides étaient versées sous forme de forfait mensuel fixe pendant les douze premiers mois, peu importe la durée réelle du contrat. Ce changement vise à “mieux ajuster la dépense publique”, selon le ministère du Travail.
Fin immédiate des aides en cas de rupture
Deuxième mesure : en cas de rupture anticipée du contrat d’apprentissage, les aides cessent désormais le lendemain de la fin du contrat. Avant, l’entreprise bénéficiait du versement pour le mois entier. Cette modification s’applique à tous les contrats, y compris ceux déjà en cours. Seule exception : le premier mois d’un contrat entamé avant le 1er novembre ne sera pas concerné.
« Ces nouvelles règles vont pénaliser les entreprises qui prennent des apprentis sur des durées plus courtes. Ce sont souvent des TPE ou des auto-entrepreneurs, déjà fragilisés », explique une formatrice citée par franceinfo.
Des économies budgétaires assumées
Ces changements ne tombent pas du ciel. Ils s’inscrivent dans le cadre du projet de loi de finances 2026, qui vise à réduire les dépenses publiques d’environ un milliard d’euros sur l’apprentissage. Le budget alloué aux aides à l’embauche d’apprentis passe ainsi de 3,42 milliards d’euros en 2025 à 2,36 milliards en 2026, soit une baisse d’environ 31 %.
Les montants maximaux avaient déjà été revus à la baisse en février dernier :
- 5 000 € pour les entreprises de moins de 250 salariés (au lieu de 6 000 € auparavant)
- 2 000 € pour les entreprises de plus de 250 salariés
- 6 000 € pour l’embauche d’un apprenti en situation de handicap
Le gouvernement parle d’un “effort d’optimisation”, mais de nombreux acteurs y voient une nouvelle étape dans le resserrement du financement public de l’apprentissage.
Un risque de ralentissement pour l’alternance
Ces ajustements inquiètent les professionnels du secteur. L’Insee anticipe déjà une baisse de 65 000 contrats d’alternance d’ici la fin de l’année. Pour les entreprises, les nouvelles règles limitent la flexibilité, notamment dans les secteurs où les contrats courts sont fréquents, comme l’hôtellerie-restauration ou l’événementiel.
Moins d’aides, plus de contraintes administratives, et une visibilité réduite : de quoi décourager certains employeurs, surtout les plus petits. Du côté des apprentis, la conséquence directe pourrait être une offre de postes en baisse, en particulier pour les missions de courte durée ou saisonnières.
Une politique sous tension
Depuis 2020, l’apprentissage est l’un des succès revendiqués du gouvernement, avec plus de 850 000 contrats signés en 2024. Mais à force de coupes budgétaires, le modèle semble fragilisé. Plusieurs observateurs y voient les signes d’un désengagement progressif de l’État vis-à-vis de ce levier de formation et d’insertion.
« La petite musique, c’est qu’on pourrait bientôt toucher à la fiscalité des contrats d’apprentissage, ce qui réduirait encore le pouvoir d’achat des jeunes », alerte le président de l’association Walt, spécialisée dans l’alternance.
Pour l’heure, le gouvernement assure qu’il s’agit d’un simple “meilleur ciblage des aides”. Mais sur le terrain, le sentiment est tout autre : entre incertitude économique et restrictions budgétaires, le feuilleton de l’apprentissage semble loin d’être terminé.
















